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31 mars 2023

Un Couple de Frederick Wiseman - 2022

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Le grand Wiseman est encore capable de surprendre après sa pléthore de films et ses 90 ans. Il nous revient aujourd'hui avec un objet bizarre et difficilement raccordable au reste de sa filmographie : court (1h), pas documentaire, tourné en français, Un Couple est un machin assez inclassable, mais qui non seulement a le mérite d'exister, mais parvient assez souvent à vous émouvoir pour de bon. Notre bon vieux cinéaste s'intéresse à la correspondance fiévreuse de Sophia, femme tourmentée de Leon Tolstoï, à celui-ci, caractère complexe et difficile. Les lettres sont très belles, tour à tour passionnées, aimantes, puis peu à peu pleines de tristesse, de reproches, de déception, d'amertume : un amour, quoi, envisagé ici dans son entier, et vécu par une femme mariée à un caractère hors-norme, à un génie égoïste. Wiseman choisit pour illustrer cette prose un procédé éminemment straubien : une comédienne, mi-investie mi-extérieure, plantée dans un décor (le fabuleux paysage maritime et champêtre du Morbihan), et sa parole qui s'insère dans cet espace-temps. Rien de plus. Un dispositif rigoriste, mais adouci par la beauté de la campagne, la variété des paysages et surtout le jeu tout en finesse de la formidable Nathalie Boutefeu. Les plans fixes, alternant les cadres sur la comédienne et ceux sur la riante nature, la précision des cadres, la beauté de ce qui est dit, tout contribue à l'étrange magie de ce film hyper simple, de toute évidence fait dans la complicité amicale avec l'actrice, comme une respiration, une récréation dans les projets lourds du compère.

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Ça se suit tout à fait sympathiquement, mais on ne peut s'empêcher de tiquer devant le manque de personnalité du film. On dirait que Wiseman s'efforce cette fois-ci de s'effacer complètement, lui et son style, de la chose, laissant la comédienne et le paysage s'exprimer sans intervention de sa part. Le seul trait dans lequel on reconnaît la patte du réalisateur, c'est dans cette façon se se servir de plans "vides" (ceux sur la nature) comme des respirations, des contre-points musicaux. Sinon ça semble presque un jeu pour lui de disparaitre du film... ce qui le handicape un peu : il aurait pu être réalisé par n'importe quel autre réalisateur compétent dans le cadre et attentif au jeu de son actrice. On se souvient du magnifique La dernière lettre, qui était aussi un texte littéraire dit par une comédienne seule, et on se dit que avec celui-ci, Wiseman ne s'est pas foulé, se contentant d'enregistrer une voix et un corps dans un décor, sans vraiment exprimer plus que ce qu'on a à l'écran. Reste un beau texte, très moderne, presque féministe par endroits (et c'est finalement peut-être la raison de l'effacement du cinéaste), et un œil toujours aussi bienveillant sur le monde qui nous entoure, qu'il soit humain (une femme qui se bat pour son amour), animal (grenouilles et fourmis sont les reines), végétal (symphonie d'arbres et de plantes) ou minéral (la mer, les rochers).

Sans titre

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