On aime ce genre de petit film miraculeux, sorti de nulle part (enfin, si, de Pologne), réalisé par un cinéaste inconnu au nom imprononçable ("szcz", faut être soigneusement bourré à la vodka pour sortir la chose correctement), ce genre de film beau, drôle ce qu'il faut, teinté d'un érotisme suranné et qui se conclut en beauté, dans un voile du fumée mystérieux... Il est question ici d'une campagne polonaise bien reculée, dans l'après-guerre, un village aux confins des marais. Des cul-terreux avec leur petite vie... Lorsqu'un curieux clochard débarque, cela ravive semble-t-il quelque peu les superstitions et les croyances - à l'image de ce veau qui semble tout droit sorti du ventre du jument (celle-ci, en tout cas, semble vouloir clamer la maternité de la chose). Rien de bien neuf sous le soleil dans ces arrière pays-là. Plus révolutionnaire sera l'arrivée dans le village, en particulier pour notre héros fermier à moustache, non pas tant de l'électricité mais de cette blonde maîtresse venue apporter, enfin, aux gamins du coin quelques enseignements de base... Notre homme, lui, dont les derniers rêves avaient déjà quelque chose de prémonitoires et de fantasmagoriques, voit la jeune femme venir s'installer dans sa propre ferme, ce qui va pour le moins le troubler : non seulement les connaissances acquises par son gamin vont quelque peu mettre à mal son autorité, mais surtout, cette charmante jeune femme qu'il côtoie de près va quelque peu troubler son quotidien et son repos... Pour le pire ou le meilleur ?
Leszczynski, après nous avoir bien installés dans ce décor champêtre, avoir filmé cette nature dépouillée mais belle, avoir donné aux propos de son héros (qui considère chaque arbre comme un être - et chaque hêtre comme son bras (? pfff)) des accents panthéistes, bref après avoir soigneusement planté le décor de ces villageois qui craignent tout progrès, ont des croyances préhistoriques (un mystérieux trésor serait enfoui sous la colline), s'esclaffent dès lors que l'un d'eux pète en réunion, va laisser à cette jeune femme tout le champ des possibles pour venir troubler les habitudes de notre héros. Son autorité, son côté patriarcal et sa prétendue sérénité sexuelle vont forcément en prendre un coup sur la tête. On rit à sa mauvaise foi, on craint son voyeurisme (il mâte la belle maîtresse quand elle accueille un jeune homme dans sa chambrée : sa façon langoureuse, plus lente qu'un pou, de faire l'amour le rend complétement dingue...), on se moque de ses soudains accès de colère... On ne sait trop si notre homme ne va pas finir par craquer... Passer à l'acte avec la jeune femme (en fantasme ou en vrai...), va-t-il lui ouvrir les portes de la liberté ou le conduire tout droit en enfer (que sont les autres...) ? La fin, délicieusement ambiguë, jouera subtilement de ces deux éventuelles interprétations... Un récit qui embrasse la nature (et qui la filme dans toute sa beauté : le noir et blanc est somptueux), qui décrit de façon caustique les différents habitants de ce village quelque peu arriérés, qui joue de cet éternel féminin venu sur terre pour troubler les hommes, qui évoque également, de façon à la fois merveilleuse et réaliste, le monde des rêves (le cinéaste filme Marie et Dieu dans la scène d'ouverture de façon terriblement crédible)... bref, pour faire plus court et conclure, une œuvre qui alterne esthétisme et causticité avec la même maestria... Sont forts ces "ski" - spéciale dédicace à notre petite Bambi à nous polonaise.