Je découvre après coup la filmographie de Paul Vecchiali, et je dois dire que mon bonheur est grand de trouver ainsi un cinéma libre, artisanal, d'une extraordinaire sincérité et finalement très touchant. A vot'bon cœur n'est certainement pas un grand film à afficher en tête de liste des palmarès, mais il a ce côté "envers et contre tout" qui marque des points. C'est d'ailleurs sur un sentiment de colère qu'il repose : voilà 20 fois que Vecchialli propose son scénario de La Guêpe à la Commission d'avances sur recettes, voilà 20 fois qu'elle lui dit non : trop bordélique, trop dépassé, trop expérimental. Le bougre sort de ses gonds et, avec la complicité de l'équipe du film et de sa femme, décide d'exécuter chaque membre de la Commission. En parallèle, on suit deux pistes : un voleur en roller qui dépouille les riches pour donner aux pauvres ; et la vision erratique des bribes de La Guêpe déjà tournées, un film qui tourne autour d'un couple pris dans la drogue. A noter aussi, sinon le film serait presque normal, qu'une grande partie est chantée par les acteurs eux-mêmes ; car en plus de faire un film social sur la drogue, de faire un polar, de faire un film politique sur le partage des richesses, Vecchiali veut faire une comédie musicale.
C'est foutraque comme c'est pas permis, mais assumé comme tel. Côté polar, on a une suite d'assassinats "pour rire", l’exécution des fameux dirigeants de la Commission étant la plupart du temps franchement improbable. Il faut voir Vecchiali rouler placidement avec sa voiture sur tel gars, ou voir tel autre avaler une tasse de café empoisonnée, pour se rendre compte que les visées du cinéaste ne sont pas si vengeresses que ça. C'est pourtant une saine colère qui l'anime, et le film prend souvent des airs de défense d'un cinéma frondeur, loin des circuits, libre et passionné, que ces professionnels de la profession ne veulent pas voir. Pour enfoncer le clou, il filme dans la longueur le président de la Commission rappeler les origines de ladite commission (les nazis en sont à la base, bien avant Malraux !). Il y a une certaine jubilation de la part de notre Vecchiali à réunir sa bande de comploteurs assassins du dimanche, et le plaisir est évident de jouer les serial-killers. Côté film politique, c'est moins convaincant, on a du mal à voir où il veut en venir avec ce Robin des Bois muet ; même si les pauvres gusses qui découvrent des enveloppes pleines de biffetons sont assez marrants, le film se perd un peu dans cette direction-là, surtout quand il complique cette trame avec une histoire d'amour inutile.
Deux aspects sot particulièrement réussis : 1 / le film dans le film, c'est-à-dire les extraits de La Guêpe. C'est vieillot, certes, cette histoire d'écorché vif qui se ruine dans la drogue alors qu'il aime d'un amour fou sa blonde. Mais les deux comédiens (Elsa Lepoivre et Mathieu Marie) sont super, et Vecchiali les filme avec un amour évident. 2 / la comédie musicale. C'est l'aspect le plus artisanal, le plus improbable, le plus mal foutu, mais c'est de lui que vient la grande authenticité et la vérité du film. Les comédiens chantent comme des patates, et la caméra les attrape souvent en plan serré et fixe pour mieux augmenter la gène. De gène, il n'y en a pas, tant la confiance du réalisateur envers ce procédé et sa tendresse envers ses acteurs sont totales. Les chansonnettes, parfois très émouvantes (Françoise Lebrun qui chante un hommage à Jacques Demy) donnent un aspect encore plus bricolo au film, et on sort du machin convaincu par les parti-pris très radicaux de Vecchiali, qui nous a offert un film désarmant de sincérité.