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20 janvier 2023

Les Grandes Manœuvres de René Clair - 1955

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René Clair est un cinéaste capable de vous sortir quelques brillants trésors et d'enchainer avec un truc tout mollasson qui appartient au pire du cinéma de papa. On situera Les Grandes Manœuvres dans la deuxième catégorie, mais on avouera en rougissant quelque peu qu'on a pris un certain plaisir à se laisser aller à la bêtise de ce film de divertissement. Il y a dans cette petite variation inoffensive sur le mythe de Don Juan des choses délicieuses, dans les seconds rôles, dans les couleurs sépia (c'est le premier de Clair), dans l'énergie qu'il parvient parfois à filmer, dans ce sujet de l'amour éternel et trahi, et surtout dans la part de tragique qui vient s'immiscer sans qu'on l'ait vu venir dans la comédie trépidante. Nous sommes au tout début du 20ème siècle, immergés dans un escadron de militaires tout en moustaches et en panaches prêt à partir en manœuvre. Parmi eux, Armand de La Verne (Gérard Philipe), jeune et beau lieutenant chéri de ces dames ; on devine à la façon dont elles le regardent lors du défilé de la première scène, qu'elles ont toutes plus ou moins fricoté avec lui, des jeunes aux moins jeunes, des servantes aux bourgeoises. La réputation de notre homme pousse ses hardis compagnons à un pari : il faudra qu'il séduise une femme choisie au hasard avant le départ pour les grandes manœuvres, repas offert à la clé. Le sort va tomber sur la gracile, tristoune et inatteignable Mme Rivière (Michèle Morgan), une modiste assez lucide. La cour sera âpre, le succès incertain, mais surtout : la finalité de la chose risque de retomber sur les doigts de notre couple glamour. A trop jouer avec le feu, on se consume (ça change du ravin et du malin), et tout ça risque de se terminer, contre toute attente, dans le drame.

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En attendant l'issue fatale, Clair met tout son entrain dans la petite description enlevée de cette ville envahie par les fringants militaires. Costumes, décors, tout est en place pour nous donner de l'exotisme et du glamour jusqu'à plus soif. Si Gérard Philipe assure dans le rôle ambigu du jeune premier, on notera surtout le pittoresque de tous ces jeunes acteurs de l'ombre, Pierre Dux, Jacques Fabbri, Jacques François, Claude Rich, Yves Robert (et, tiens, une apparition de Michel Piccoli) côté mâles, Brigitte Bardot, Jacqueline Maillan, Simone Valère ou Judith Magre côté femelles. Tout ça se mélange dans des saynètes pendables, aussi importantes qu'un nuage mais tout à fait lumineuses. Ça s'engueule, ça fait la moue et l'amour, ça chante et ça danse, bref c'est bien joli à regarder, et Clair n'est pas le dernier des ânes pour insuffler du rythme et de la joie à ces scènes. Cet univers tout de gaieté ne doit pas pour autant occulter l'aspect sombre du film, qui avance un peu masqué, cachant ses notes tragiques derrière la comédie : le personnage de Jean Dessailly, loser parfait, cocu ultime prêt à toutes les humiliations pour conquérir le cœur de Morgan, met une touche de venin dans cette histoire de badinerie amoureuse, et entraine le film vers des couleurs plus sombres. Tout est cousu de fil blanc, certes, on n'a guère de surprise ; les manigances de Gérard Philipe finissent même par être très agaçantes ; mais on remarque quand même l'habileté du metteur en scène et de ses acteurs pour rendre cette bluette un peu regardable. C'est du cinéma à l'ancienne, je ne dis pas, mais le côté désuet participe aussi au plaisir. Si on s'ennuie quelquefois (le film est beaucoup trop long), on apprécie aussi souvent ce petit univers nostalgique et bon enfant au service de l'Amour dans toutes ses acceptions. Pas si mal.

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