Têtes de pioche (Block-Heads) de John G.Blystone - 1938
Un bon gros délire pour nos compères Laurel et Hardy que ce film assez aberrant, qui a la particularité de ne rien raconter du tout. La trame est en effet hyper effilochée, se contentant d'enfiler les gags les plus dingues et les plus non-sensiques, ne prévoyant même aucune progression dramatique, ni dénouement, ni personnages, ni enjeux ; bref, rien qui fasse d'ordinaire une histoire. On dirait que pour cette fois, les scénaristes ont compris que le duo était meilleur dans la forme très courte que dans le développement d'un film ; ils ont bien fait ma foi : Block-Heads est franchement marrant, laissant tout loisir à nos idoles de montrer leur talent comique.
La plus grosse partie du film consiste à monter dans l’appartement de Hardy : l'ascenseur est en panne, voilà les deux amis partis pour une ascension sans cesse empêchée, et pour des allers-retours au rez-de-chaussée au gré d'événements pendables : un ballon de foot jeté dans la cage d’escaliers, une dispute avec un voisin, tout est bon pour envoyer nos amis dans un gag répétitif qui finit par être complètement absurde à force d'être recommencé. Avant ça, on a quand même eu droit déjà à quelques idées tout aussi improbables : Laurel qui garde sa tranchée des années après que la guerre est finie (il a creusé un chemin à force de faire les cent pas) ; la voiture de Hardy ensevelie sous le sable ; un quiproquo n'importe-quoiesque autour de la perte de la jambe de Laurel (quand il s'aperçoit qu'il a bien ses deux membres, Hardy demande "Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu avais tes deux jambes ?", et l'autre répond : "Parce que tu ne me l'avais pas demandé, j'en ai toujours eu deux.") ; la destruction organisée du garage et de la voiture, etc etc. Un gag par seconde environ, plus ou moins fin certes, mais en tout cas porté par le jeu que j'ai toujours trouvé faramineux des deux acteurs : Laurel en crétin gentil, toujours prêt à rendre service mais qui accumule les gaffes, un pur génie quand il pleure et quand il tente de réparer les conneries qu'il a faites ; Hardy en pleutre ventripotent et fier de lui, choisissant toujours la mauvaise piste pour régler ses problèmes, tête-de-turc de tout ce qui l'entoure, victime des catastrophes involontaires déclenchées par son compère. Ce jeu, pas subtil on est d'accord, mais imparable, dope les gags les plus cons, et on attend plus les mimiques des deux acteurs que le gag en lui-même. Ce John Blystone ne restera pas dans les annales avec sa mise en scène fonctionnelle, mais on ne lui demande pas de faire du style ; juste de capter les bêtises de Laurel et Hardy, d'attraper les petites mimiques et de montrer correctement les idées foldingues du duo. Il le fait avec professionnalisme, c'est tout à sa gloire. La complicité éternelle de ces deux acteurs mythiques est joliment illustrée, l'un ne se mettant jamais au-dessus de l'autre, les deux toujours au service de l'idée, du rythme, du gag. On s'amuse bien même si tous les moments ne se valent pas : un film de détente idéal.