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18 janvier 2023

Trous de mémoire de Paul Vecchiali - 1984

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Je terminai à peine ma vision de ce film qu'on m'apprenait le sot décès de Paul Vecchiali, prenez donc ce texte comme un hommage respectueux. Voilà un film buissonnier comme savait en fabriquer le bougre de temps en temps, un machin entre l'expérimentation pure et le cinéma psy typique des années 80. Vecchiali embarque avec lui Françoise Lebrun et une équipe réduite à son strict minimum, et fabrique un film entièrement improvisé autour de la rupture amoureuse. Un homme donne rendez-vous dans la campagne à la femme qu'il a aimée jadis. Pourquoi se sont-ils séparés ? qu'est-ce que notre homme revient chercher ici ? quel est le but de ces retrouvailles ? Le secret se dévoilera petit à petit, et on découvrira le caractère de ces deux êtres, lui manipulateur, sentimental, un peu couillon et lourd dans ses approches ; elle, perdue, triste et de toute évidence encore tentée par l'amour. Il lui ment, elle joue le jeu, il pleure, elle se détourne, ils rigolent, elle se laisse aller, ils badinent et se remémorent, bref tout un jeu de marivaudage entre sophistication amoureuse et mélancolie, entièrement dialogué, centré sur la parole, et pourtant rendu très fragile par l'improvisation. Bel exercice de style, dont les deux acteurs se tirent à merveille. C'est parfois ringard, je ne dis pas, quand les propositions de Vecchiali frôlent le ridicule (ce jeu de bataille navale,franchement improbable ; ou cette putain de feuille de lierre qui, poum, lui arrive dans l’œil au moment le plus amoureux). Parfois, on sent bien que notre héros veut jouer au gamin, ce qui, pour un homme mûr à moustache et pardessus, est un peu pathétique. Vecchiali ne se donne pas le beau rôle, c’est peu de le dire, son personnage est veule et larmoyant, tricheur et flou, et il le joue avec une sorte de déséquilibre qui le rend particulièrement antipathique.

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C'est donc Françoise Lebrun qui se charge de la partie douloureuse de cette histoire. Son personnage est assez touchant, et le fait qu'elle ne sache pas à l'avance comment va tourner la situation fonctionne beaucoup mieux avec elle qu'avec lui. Plus "actrice", mais ayant gardé la spontanéité qu'elle a depuis La Maman et la putain, elle improvise parfaitement, très à l’écoute, force de proposition, et en même temps complètement au service de la direction de Vecchiali. La trame n'est guère importante, mais on aime cette façon artisanale de traiter le cinéma, cette manière de filmer coûte que coûte, même sans budget, même sans écriture. Et puis il y a une belle façon d'ancrer cette parole et l'histoire de ce couple dans un paysage précis, ici un mélange de prairie, de jardin public et de bord d'usine qui parlent en même temps de liberté et de lutte sociale. Trous de mémoire est un film sincère, maladroit peut-être mais habité par un vrai amour du cinéma. Sa conclusion d'ailleurs est une déclaration d'amour au cinéma, puisque pour reconquérir la femme qu'il aime, le cinéaste est prêt à lui offrir un film. Intrigant, oui oui. Repose en paix, mon brave Paul.

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