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Shangols
REALISATEURS
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18 décembre 2022

Chilly Scenes of Winter / Head Over Heels (1979) de Joan Micklin Silver

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Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie ouverte par Sight and Sound, voilà une oeuvre exhumée par Criterion, qui, sans qu'on la connaisse, fait a priori serrer des fesses. A chaque nouvelle fournée mensuelle de notre collection dvd favorite, il y a dorénavant un réalisateur noir, et pour la fournée de mars, il y aura cette fois une cinéaste femme, une des cinq femmes, apprend-on, qui réalisa un film pour un grand studio dans les seventies. Ok... Bien qu'ayant aucun préjugé (l'équipe shangolienne, on le sait, est pure) et bien qu'ayant des tonnes de préjugés malgré tout, malgré nous (on ne se refait pas non plus), on ne se déride guère quand on découvre les premières images vintage de ce film, des images forcément marronnasses, avec une musique d'époque si formatée qu'on tremble et des stars (John Heard et Mary Beth Hurt !) qui ont autant de charisme que notre voisin qui va hurler ce soir quand la France va gagner ou quand la France va perdre. On se dit, pour finir, bah, une histoire d'amour filmée par une femme, eheh, ça va encore être un truc du genre "je suis tombé amoureuse d'un type fourbe parce que les hommes sont de toute façon fourbes" popopoh. On se fourre le compas dans l'oeil.

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La belle idée d'entrée de jeu de Silver est de porter son female gaze sur un homme, un homme qui va tomber amoureux dingue d'une femme, une femme mariée, oui, mais en train de se séparer de son mari, d'une femme qui n'est pas tout à fait insensible à son charme, d'une femme qui va même oser venir vivre avec lui pendant deux mois, d'une femme qui hésite, d'une femme qui revient avec son mari, d'une femme qui... Bref, elle porte son female gaze sur un homme amoureux qui souffre sa mère de voir que cet amour n'est pas forcément réciproque et c'est très réussi, subtilement touchant, car, l'air de rien, et c'est pas si courant quand on y songe, cela sonne juste... On ira pas jusqu'à dire que c'est le film des seventies le plus proustien qui soit (forcément je suis en plein dans la madeleine), qu'il s'agit là du grand film de cette époque sur un amour déçu, ou tout du moins difficile à vivre, mais nous ne cacherons pas pour autant la jolie surprise que ce film constitue et la simple joie qu'il nous a apporté. John est un type banal, qui craque illico pour cette petite secrétaire rencontrée sur le lieu de son travail, qui fait tout pour passer du temps avec elle, qui aime parler, manger, rire avec elle. Cela fait son bonheur. Elle aussi, oui, mais juste pour un temps. Elle revient vivre avec son mari, un grand dégingandé sans charme, un truc que John ne peut comprendre, d'autant qu'elle n'a pas l'air forcément heureuse avec lui... Il aimerait la reconquérir mais le veut-elle vraiment, là est la question... On sourit devant les petites saynètes répétées qui rythment le film (John achetant un snack à un vendeur aveugle, John et sa folle dingue de mère (la sublime Gloria Grahame... sur la pente), John et son pote branleur qui squatte chez lui (Un Monde sans Pitié avant l'heure), John et cette autre secrétaire qui le drague mais avec laquelle il n'a aucune affinité, John s'adressant face caméra pour revenir sur ces deux mois en apesanteur...) sans pour autant atteindre de véritable point culminant : on voit comment la complicité entre John et Mary s'est construite (le repas "spécial", la chaise offerte, la scène du trampoline (où déjà, elle semble inatteignable pour lui...), on voit comment il rame pour reprendre contact mais rien de plus... Mais le film, toujours en équilibre entre les anciennes joies de John et ce présent si morne, demeure relativement touchant par le portrait de cet homme plein de bonnes intentions, sans doute un peu maladroit, qui ne peut se résoudre au fait que la femme de sa vie n'est pas la femme de sa vie. Bref, on partait en serrer des dents et on finit avec une petite larmichette quant à nos pauvres petits préjugés bien bas. Belle petite découverte.

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