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13 octobre 2022

Tori et Lokita de Luc et Jean-Pierre Dardenne - 2022

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Bah il faut reconnaître que les Dardenne font peu ou prou toujours le même film depuis 25 ans. Si on apprécie cette constance et leur façon bien à eux de creuser la misère sociale jusqu'au bout du bout pour en pointer l'injustice, on peut aussi commencer à fatiguer devant un style qui n'évolue pas depuis leurs premiers films, qui reste un peu sagement sur ses acquis et finit par devenir attendu. Tori et Lokita, malheureusement, rencontre ce travers : tout y est de ce qui fait le cinéma des brothers, en 30 secondes on est plongé dans ce bain reconnaissable entre tous, tout y est, aussi indigné que dans Rosetta, Le Fils ou L'Enfant ; mais à force de fréquenter leurs œuvres, on se retrouve dans un terrain balisé mille fois déjà par eux (et par leurs imitateurs), et par attendre un peu que le temps passe en guettant la fin, forcément tragique, de leur histoire. Le seul défaut du film, finalement, est d'arriver après (bien après) les grands films des mêmes cinéastes, sans rien ajouter au schmilblick, et en ayant au passage perdu un peu du mojo qui caractérisait les œuvres sanguines de jadis. Film tout à fait digne et intéressant pour qui n'aurait jamais vu un film des Dardenne, mais un peu redondant pour les autres.

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C'est le même thème que d'habitude, avec juste un petit air de contemporanéité et un changement de couleur de peau : Lokita est une adolescente, migrante illégale débarquée en Belgique avec pour consigne d'envoyer coûte que coûte de l'argent à sa mère restée au bled. Elle a rencontré dans son exil le petit Tori, qu'elle considère désormais comme son frère. Ces deux-là vont devoir lutter contre l'âpreté de la vie, dealant de la drogue, se prostituant vaguement pour arrondir les fins de mois, vivant de petits expédients et de parts de pizzas glanées ça et là, jusqu'à ce que Lokita trouve un job : surveiller une grosse plantation de cannabis. Pour ce faire, elle va devoir se séparer de Tori... et ça, c'est impossible pour eux. Deux enfants (un peu trop) charmants et innocents balancés dans un monde d'adultes sans pitié, que croyez-vous qu'il adviendra, surtout dans un film des Dardenne, peu connus pour leur optimisme et leur sens du happy-end ? Comme à leur habitude, les bougres accrochent leur caméra à l'épaule et ne lâchent pas d'une semelle leurs petits acteurs, captant leur désarroi face à une société qui leur refuse le bonheur, le respect, les papiers et même le droit d'exister, enregistrant avec toujours autant de force l'énergie de survie d'une jeunesse qui se démène pour se débrouiller. Ces deux mômes sont les petits frères et sœurs de Rosetta, de Ahmed, du gamin au vélo, du "fils" : c'est toujours la même injustice, la même innocence bafouée, et c'est toujours plus ou moins le même déroulement fatal. On sait que nos deux petits mômes vont aller de mal en pis, prendre les mauvaises décisions et se retrouver dans une merde noire. C'est donc en terrain connu qu'on suit les héros de ce film, pas passionnés plus que ça par ce qui leur arrive et par les détails de leur destin, dont on sait qu'il se conclura dans la tragédie quoi qu'il arrive.

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Parmi les très bonnes choses de ce film, on note tout de même une certaine "bressonisation" de la mise en scène des Dardenne. Le plus beau passage réside dans cette longue scène où Tori essaye de rejoindre Lokita dans son local fermé à toute invasion extérieure : la précision des gestes, la lente description de tout ce qu'il accomplit, son cheminement, tout ça fabrique une mise en scène très précise et contemplative qu'on n'avait pas forcément l'habitude de trouver précédemment chez eux. Comme un hyper-réalisme poussé jusqu'au bout, et qui est fascinant à regarder. Tout est réussi, pas de doute, à part peut-être (pour une fois) la direction d'acteurs : ces deux mômes manquent un brin de naturel et de charisme, surtout Joely Mbundu, qui donne à sa Lokita un air un peu apathique, trop passif. Mais à force de passer leur temps à enfoncer la tête de leurs héros dans le seau, les Dardenne se répètent, sans parvenir à raconter quelque chose de nouveau. On a déjà vu ce film, et déjà réalisé par eux.

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