Jeux de Nuit (Nattlek) (1966) de Mai Zetterling

Mai Zetterling, actrice (bergmanienne) et réalisatrice (suédoise donc), fait son entrée dans nos colonnes avec ce film aussi audacieux que poseur, aussi provocateur (Shirley Temple offusquée, ça se fête, non ?) que crispant. Une histoire assez simple, pour le moins, puisque l'on suit un homme ramenant sa fiancée sur le lieu (une immense demeure) de son enfance. Il lui bande les yeux, mais on comprend vite que c'est lui qui serait victime, le bougre, d'un léger œdipe... Le film construit en flash-back va nous montrer notre héros bambin, le plus souvent laissé à lui-même, assistant, du temps de ses parents, à leurs fêtes orgiaques et autres mises en scène provocatrices (l'accouchement de sa mère devant tous les convives - et la naissance d'un enfant mort-né, soi-disant...). Le bambin, s'il fut proche de sa grand-mère, l'originale Astrid, entretenait également des liens pour le moins trouble avec sa mère... Si on le voit se maquiller, passer sous les jupes pour caresser mollet, c'est surtout cette petite scène de masturbation nocturne, alors que sa mère (Ingrid Thulin) lui racontait une histoire, qui dut faire jaser (et faire sortir la Shirley de son Temple - les cheveux dressés sur sa tête étaient d'origine). Vilain garnement pris sur le fait... On découvre donc, au cours de scènes parfois un peu lourdes de sens, que le gamin eut un passé pour le moins trouble, troublé... S'il avoue, le Jan, à sa nouvelle compagne, avoir encore quelque difficulté à aimer, il finit par tomber d'accord avec elle sur une solution radicale pour pallier à la choser : quand les souvenirs sont trop lourds, il faut savoir les détruire, littéralement...

A l'image de cet acteur principal (Keve Hjelm as Jan), d'une froideur terrible (on se demande franchement ce que cette fiancée lui trouve, le Jan étant autant démonstratif qu'une bougie), on peine à rentrer dans l’atmosphère de cette œuvre - et ce même si on savait depuis longtemps que les Suédois n'étaient pas les plus grands bout-en-train sur Terre. Malgré les cris, les hourras des convives, la musique dans tous les coins, lors de cette première scène de flash-back, on a tôt fait de regarder cet accouchement (feint ?... On le saura plus tard) avec une certaine torpeur, une certaine distance... Jan, adulte, marche dans cette demeure fantôme comme le gamin qu'il fut, petit être errant et perdu au milieu d'adultes ripaillant, ricanant, baisant dans la soie... On erre un peu à ses côté en attendant des séquences un peu plus captivantes ou simplement un peu moins déshumanisées.  Il y a heureusement cette grand-mère, qui veille sur le petit bonhomme, et puis, également, ces scènes osées, résolument, où le gamin entre dans la sexualité ; scène sensuelle sous une jupe ample ou scène dérangeante quand sa mère le prend sur le vif en train de se tripoter... Le film ne se fait pour autant particulièrement aimable, mais on devient un peu plus sensible au trauma de cet homme : on comprend mieux ce qui se cache sous le crâne de ce Jan traînant un passé dont il n'a pas fait totalement le deuil... L'ouverture d'une caisse dissimulée dans un puits livrera un lourd secret et servira de véritable déclencheur auprès de Jan : il ne lésinera pas dans sa façon de chercher à régler ses problèmes, laissant l'amour (nouveau) en quelque sorte prendre le pas sur ce passé rutilant et encombrant. Maupassant eut sans doute apprécié ce final dans les flammes. On découvre ainsi avec ce film (son deuxième) une Zetterling en cinéaste guère blagueuse, pour le moindre, rugueuse dans son approche, mais qui, sous cette histoire psychologico-freudienne lourde, n'est pas sans démériter au niveau de l'audace de certaines scènes... A creuser, et ça tombe bien puisqu'on se penchera bientôt sur d'autres œuvres (de jeunesse) de ladite.