Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
27 mars 2023

Chronique d'une liaison passagère d'Emmanuel Mouret - 2022

870x489_chronique-liaison-passagere

Emmanuel Mouret, depuis deux films, se décide enfin à traiter des sujets adultes, et a abandonné ses tendances fleur bleue adolescentes. Il en reste pourtant quelques traces dans ce film gentiment romantique qu'est Chronique d'une liaison passagère, une façon d'être dans la vie tout en s'en écartant assez résolument. Pas très réaliste en effet, cette histoire banale de liaison extra-conjugale éphémère, on sent bien que Mouret fantasme plus la chose qu'il ne tente d'être crédible. Mais cette déconnexion est compensée par un ton de comédie agréable : on y croit comme on croit au retour de la gauche, mais on est prêt à se laisser raconter une histoire d'amour légère et rigolote. On est accompagnés sur le coup par Sandrine Kiberlain (assez géniale, qui a parfaitement compris le personnage, et qui en donne un visage d'une grande sensibilité) et Vincent Macaigne (moins inspiré, j'y reviens). Presque uniquement concentré sur ces deux visages, ces deux paroles, ces deux corps, Mouret nous raconte donc par le menu, du premier rendez-vous à la revoyure d'après-rupture, la liaison passagère de ces deux amants, leurs petites joies, leurs petites crises, leurs expériences sexuelles et sentimentales, leurs doutes et leur fragile amour, au son bien entendu (on est dans le cinéma français dans sa tradition la plus pure) d'une ritournelle au piano mélancolique et tristounette.

Sans titre

Le film se place volontairement sous l'égide de LA référence en matière de dissection du couple, Scènes de la vie conjugale de Bergman, que les amants vont d’ailleurs voir au cinéma. Il a peut-être eu tort de ne pas choisir comme modèle une ombre moins pesante, un film de Woody Allen par exemple, dont il est souvent fait référence également dans l'écriture des dialogues et le personnage de Macaigne notamment. Parce que, là, on se dit que Mouret échoue complétement là où Bergman réussissait. Dans des saynètes un brin artificielles, trop écrites, rarement crédibles, il cherche à nous raconter les minuscules tourments des âmes quand elles savent que l'amour qu'elles se vouent est éphémère. Elle est détendue, profite de l'instant, est charmée par la maladresse et le côté coincé de lui ; lui est stressé mais amoureux, bavard et dans le doute. Le couple fonctionne bien au niveau des comédiens, mal au niveau du film : on a du mal à concevoir qu'une telle femme s'éprenne d'un type aussi concon, et on se dit que dans la vraie vie, le couple aurait duré une nuit grand max. Il faut dire que Macaigne charge la mule, surjouant le bégaiement à la Woody, en charge à lui seul de la partie comique du film, pas la plus réussie. A cause de lui, la véracité du film en prend un coup, on n'y croit plus, et à cheval ainsi sur la tendresse réaliste du portrait de couple et la farce verbale, on finit par se trouver mal installé. Le film se cherche ainsi pendant toute sa durée, peinant à se situer clairement, un acteur jouant drôle, l'autre réaliste. Il faut vraiment un duo Allen-Keaton pour parvenir à rendre ça pertinent, ce que ne sont pas les acteurs de Mouret.

f2a1661_1662725690175-ne28050

Le film nous drague pourtant beaucoup, avec sa photo lumineuse, ses musiques nostalgiques et ses petits tableaux croquignolets. Mais on reste à distance, peu touché par la fausseté des monologues de Macaigne et des situations rocambolesques (une tentative de triolisme, une scène où nos amis se rendent compte qu'ils ne s'aiment plus, jolie sur le papier mais irréaliste). Après tout ça, je note quand même que de temps en temps, Chronique d'une liaison passagère parvient à toucher. C'est le cas par exemple avec cette excellente idée de revenir sur les lieux où le couple s'est aimé, une fois leur histoire terminée ; simple succession de plans fixes qui en dit beaucoup sur ce qu'est une liaison, et qui vous prend aux tripes. La mise en scène est plutôt très belle, Mouret sait toujours attraper sans ostentation l'émotion d'un visage, la simplicité d'un geste maladroit, les petites pulsations de la vie dans des décors souvent magnifiques, nimbés d'une lumière très mélancolique. Et puis encore une fois, Kiberlain est super, notamment dans la scène de rupture où, enfin, Mouret touche grâce à elle à quelque chose de vrai, d'authentique. Bref, on sent que le film aurait pu être magnifique, mais il s'empêtre lui-même dans un gloubi-boulga comique et littéraire qui le handicape. Agréable pour autant. (Gols 22/09/22)


vlcsnap-2023-03-27-17h03m50s997

Ah oui, ben je suis pour ma part beaucoup plus emballé... Je trouve justement que Mouret tente de prendre une tangente aussi bien par rapport à Bergman (les prises de têtes, les engueulades farouches) que par rapport aux éternels drames sentimentaux de "qualité" française (les engueulades farouches, les crises de larme hystériques, les plaintes, les amoureux exsangues). Il fait un choix clair : raconter une histoire d'amour (adultère) qui se déroule bien, sans jalousie (affichée), sans bouderie, sans reproches, sans minauderie... Quand on comprend ce parti au bout de quinze minutes (le personnage de Macaigne, ne voulant point passer pour un machiste de base, s'accordant de tout ; celui de Kiberlain, gai comme un pinson, après des histoires sentimentales troubles, cherchant juste à profiter de l'instant), on se dit qu'il va être difficile pour Mouret de tenir sur la longueur : il n'y a rien de plus difficile et de plus chiant que de montrer le bonheur, ces accords paisibles, ces petites joies banales... Eh bien, si, il y parvient, et avec brio. Avec surtout des acteurs parfaits dans le genre : la comédie sentimentale leur va parfaitement au teint et les deux comédiens parviennent à donner un grand naturel à leur personnage : Kiberlain en meneuse, Macaigne en suiveur... Ce couple (hors des sentiers battus), plus il avance, plus il parvient à tenir parfaitement en équilibre sur ce petit fil très tendu de leur amour (Macaigne n'évoque jamais le fait de quitter sa femme, Kiberlain ne lui fait jamais aucun chantage à ce sujet)... Alors, oui, bon, un petit grain de sable viendra leur faire payer le prix de ce manque de discussion sérieuse vis-à-vis de la profondeur de leur sentiment qu'ils développent l'un pour l'autre... Le couple flanche, pète mais Mouret parvient alors à nous le rendre encore plus "sensible" (Macaigne, qui ronge son frein comme un âne... mais ne se révolte point, enfermé dans son non-machisme qu'il s'est fabriqué lui-même), plus touchant... On se dit que c'est idiot de. En rêvant d'une pirouette... sur le fil... Alors certes, le film a le défaut de ses qualités : sa légèreté, ce côté tellement heureux qu'il pourrait presque passer pour être un peu imbécile (putain en France, si tu te prends pas la tête, c'est pas de l'amour, ce sont des sentiments dénervés, bordel...) mais Mouret, avec son optimisme forcené et inné, se sort avec une belle intelligence de cette histoire aux allures de bulle de savon... inéclatable. Et c'était pas facile. Et c'est plus que louable. Enamouret. (Shang 27/03/23)

vlcsnap-2023-03-27-17h04m13s060

Commentaires
Derniers commentaires