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12 juillet 2022

Fais ta prière... Tom Dooley (The Legend of Tom Dooley) de Ted Post - 1959

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Touché ma foi par ce petit western dont je n'attendais pas grand chose : Ted Post, dans l'économie, avec peu de moyens, sans stars, parvient à faire un film très émouvant, et qui a de méchants relents tragiques. Je vous le dis tout de suite, et la chanson qu'on entend du début à la fin du bazar ne cesse de vous le répéter : cette histoire se terminera très mal, et on n'aura pas droit au cow-boy emportant sa belle sur fond de soleil couchant, ses ennemis morts à ses pieds. Au contraire : on s'enfonce ici de plus en plus dans la noirceur et le fatum, le sort va s'acharner sur notre pauvre héros au doux visage et sur ses potes et fiancées que c'en est une horreur. Déjà, dès le départ, le postulat a ce petit quelque chose d'absurde qui fait les grandes tragédies humaines : parce qu'on ne les a pas mis au courant que la guerre est finie, trois Sudistes braquent un convoi nordistes, tuent malencontreusement les passagers, et sont du coup considérés comme assassins et menacés de la pendaison. Pourtant, Tom Doleey (Michael Landon) et ses amis ne veulent que le calme et la concorde. Mais la populace veut en découdre. Bien sûr ils pourraient fuir, mais c'est sans compter avec l'amour fou que Tom voue à sa Laura ; il ne partira pas sans elle. Fâcheuse décision qui va entraîner le trio et la jeune fille dans la gabegie. On ne cesse de hurler à Tom de laisser tomber son romantisme et de filer loin d'ici : le gars a des valeurs (l'amour, la fidélité à sa belle et à ses promesses, la camaraderie), et ira d'erreur en erreur jusqu'au dénouement, assez bluffant.

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Post filme cette tragédie sans emphase, sans s'énerver, avec un vrai sens de la fatalité. Filmant des jeunes gens pris dans le tourbillon de la violence, et les filmant tels quels (beaux plans sur les visages juvéniles, exaltation des sentiments purs), il réalise un film curieusement troublant sur un petit groupe de potes en butte avec la brutalité du monde, plus grande qu'eux et qui les entraîne vers le fond. Dans un noir et blanc magnifique, il réalise des plans classiques de toute beauté. Il n'a pourtant pas de stars au casting, mais Landon, malgré un cruel manque d'expression, et surtout le magnifique Richard Rust (un second rôle qui peu à peu marque beaucoup plus que le héros, comme James Dean à une époque) sont cinégéniques en diable, et incarnent avec force l'innocence incomprise. La dinde du jour, Jo Morrow (?), est belle et tient son rôle de vierge effarouchée avec conviction. Quant aux méchants, ils sont représentés par l'impressionnant Jack Hogan, qui a quelque chose de Sean Penn dans la dégaine, impeccable de veulerie et de cruauté ; beaucoup aimé la scène où il sait pertinemment qu'il a perdu la partie face à Dooley et qu'il doit abandonner ses vues sur la belle Laura, mais où il s'accroche malgré tout à sa fierté et à sa violence. Ce casting jeune donne à The Legend of Tom Dooley des airs de pré-Elia Kazan très attachants.

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Alors oui, ok, il y a des maladresses, comme cette bagarre en vitesse accélérée, et doublée par des cascadeurs qui ne ressemblent pas aux acteurs ; ou comme cette fusillade dans la colline, et cet effrayant serpent qui attaque la blonde (mais pourquoi elle ne s'enfuit pas, la bougresse ?). Mais sinon, franchement on va d'excellentes scènes en moments de bravoure, dans ce scénario très tenu et dans cette mise en scène sobre mais spectaculaire. Ce qui remporte vraiment la mise, c'est le sens du détail : Post essaime dans son film des tous petits éléments qui donne un caractère, une densité à son film : un Nordiste manchot qui assiste au mariage de Dooley, un gamin terrifié partagé entre délation et admiration, une vieille briscarde très marrante gardant une écurie, une scène d'adieux paternelle émouvante, etc. Voilà qui rompt avec l'absence de nuance habituelle du genre. En 1h15 de temps, Post montre toute l'étendue d'un talent artisanal, au service des acteurs, et se montre aussi intelligent dans la direction d'iceux que dans le choix de ses plans. Il a un pied dans le cinéma d'action psychologique qui commençait à faire ses preuves à son époque et le classicisme des westerns à l'ancienne : le résultat est émouvant, beau et fin.

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