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22 juin 2022

La Vie de Bohème (1992) de Aki Kaurismäki

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Ah l'étrange charme de l'humour à froid, que dis-je, glacé, frigorifique de l'ami Aki. Il est ici à son meilleur avec ce portrait tout en discrétion, en pointillisme, d'artistes (français, albanais, arménien) tentant de tirer leur épingle du jeu à Paris. Il y a le regretté André Wilms, écrivain, qui se fait virer dès le départ de sa chambre pas franchement bonne. Il y a l'immense Matti Pellonpää, le moustachu incontournable du cinéma du Finlandais, peintre, au style d'un réalisme torve. Il y a enfin Kari Väänänen, pianiste, qui ne connaît pas plus de succès que ses comparses. On est ici dans la survie, dans les repas à portion congrue, avec tout de même parfois quelques courtes embellies... Nos trois étrangers tombent dans des galères, sont souvent sans le sou, victimes de pickpocket ou encore reconduits à la frontière, mais ils tentent tout de même à chaque fois de rebondir, de s'acheter pelisse pour avoir meilleure allure, de trouver voiture pour démarcher la vente d'une brochure, de faire ripailles pour reprendre goût à la vie... Mais tout cela, souvent, n'a guère de sens si une femme n'est pas à leur côté. Elles vont, viennent, et c'est surtout Matti le plus accroché à la sienne. Elle le quitte, le retrouve, repart avant de faire "une dernière escale" à son côté. Le film pourrait prendre, avec ce noir et blanc très noir, un ton un peu triste, un peu désenchanté, mais il y a toujours la magie Kaurismaki qui opère : ses personnages, même dans la panade, restent dignes, il y a ici ou là toujours quelques instants amoureux délicieusement doux (cette petite escapade dans le parc) et il y aussi, bien sûr, ces dialogues, dits souvent d'un ton un peu monocorde mais qui extraient toute la saveur des mots (surtout chez Wilms, ses deux compères ayant une prononciation un peu moins précise...) : "On revient demain comme des flèches lancées d'une main sûre" - difficile de ne pas s'esclaffer alors même que le faciès de Wilms reste de pierre.

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Kaurismäki sait filmer avec art et délicatesse les petites choses de la vie, les petits instants aussi infimes que ceux passés à fumer une cigarette en silence ou à regarder deux amoureux qui s'embrassent en pleine rue, trouve toujours le cadre parfait, souvent immobile, pour filmer une discussion qui se déroule debout ou assis, la bonne distance, ou encore pour capter l'ombre de l'un de ses personnages qui se dessine joliment sur un mur. Des coups du sort, donc, mais des coups dont on cherche toujours à se relever, même quand une tristesse infinie nous guette. Joie aussi, tout de même, en bonus, dans cet opus, de croiser la légende Léaud en acheteur de tableau, le visage tout fripé d'un Fuller de cent-cinquante ans ou encore Louis Malle. La Vie de Bohème est un film très low-key, tout à la gloire des petites gens, des derniers enfants de Bohème dont l'humanité et la solidarité sont immenses. Aki ? Conquis.

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