Son dernier Exploit (The Toll Gate) (1920) de Lambert Hillyer

Un hors-la-loi restera toujours un hors-la-loi... Même quand on a bon cœur, qu'on s'appelle Hart, et qu'on a de la chatte ? Même. Mais tu es donc destiné alors inexorablement à finir pendu haut et court ? Normalement oui. Mais si on a vraiment vraiment de la chatte, qu'on tombe sur des gens qui ont eux aussi bon coeur, le chemin de la rédemption est-il forcément impossible ? Tu m'emmerdes avec tes questions.

Hart est le leader d'un gang. Il a un peu la trogne d'une vieille chaussette, est expressif comme un gondole, possède le regard éteint de ceux qui sont déjà un peu morts intérieurement mais c'est le leader bordel. Quand il décide d'arrêter, de dire à ses hommes qu'il y a un moment faut savoir dire stop, qu'à trop jouer avec sa chance on finit par tout perdre, c'est que cela est mûrement réfléchi. Seulement son fidèle lieutenant, Jordan, n'est pas d'accord. Allez, une dernière attaque de train !!! Ouais, une dernière attaque de train, reprennent les hommes en choeur... Bon, ok. On sait très bien que c'est toujours le dernier hold-up qui part en quenouille. Et ça sera forcément le cas... D'autant que Jordan, de mèche avec les autorités contre une petite récompense, a trahi Hart. Ah le fumier, le rat, l'ordure. Hart est pris, il va être pendu... Mais il y a toujours un ange-gardien pour la fripouille : Hart, c'est toi qui nous avais avertis d'une attaque d'Apaches par le passé ?, disent ces soldats reconnaissants. Si... Allez, on joue aux dès, on laisse la porte du wagon ouverte et tu avises, non ? Hart, tout ligoté, s'échappe, on pleure de joie... Mais oh mon dieu, cela ne fait que commencer. Outre cette histoire d'attaque de train (toujours plaisante dans le genre), on aura droit à des incendies, du braquage de bar, de la poursuite à cheval, du gang mexicain... Et Hart de tenter de toujours passer entre les mailles du filet. Mais un moment, les mouches ne finissent-elles par changer d'âne ? Hart et son cœur d'or seront-ils suffisants pour racheter ses fautes, toutes ses fautes ? Un bon western est foncièrement catholique ou n'est pas.

Hart a le don pour arriver toujours au bon moment, c'est parfois limite scénarisé. Tu es poursuivi par les troupes du shérif, poursuivi par ton ancien gang, ton cheval s'écroule, tu es au bout de ta vie et là, juste devant toi, un gamin se noie : ni une ni deux, tu plonges, tu ramènes le gamin à cette femme, tiens, tiens, bien seule, et là tu lui demandes avec ton air de chaussette trempée : je peux te faire confiance ? A moins de tomber sur Nadine Morano, je vois mal comment la donzelle ne pourrait pas prendre cet homme égaré sous son aile... Non, je ne vais pas vous raconter tous les dessous de l'histoire, non non, n'empêche que Hart, chaque fois qu'il peut filer un coup de main, tenter de se racheter, se sacrifier, il est là, droit dans ses bottes, même si celles-ci ont longtemps trainé dans la sciure et l'infamie. Peut-on se faire tout pardonner, peut-on trouver l'amour en bout de piste, ou n'est-on pas quelque part tous voués à finir seul comme une guenille, à ronger éternellement ses fautes - ou doit-on encore, bon sang, un jour être pendu pour enfin expier bordel ? On oscillera forcément entre toutes ces possibilités, Hart restant quoiqu'il advienne, de bout en bout, aussi joyeux qu'un huron mort. Un western avec son petit lot de péripéties, sa pincée de romance et son héros torturé par son passé, fatigué aussi de devoir éternellement se cacher... Lambert Hyllier (dont je découvre le deuxième film sur les cent-soixante-huit qu'il a fait : je pense pouvoir passer pour un spécialiste du bonhomme, non ?), en ce début des twenties, livre un western solide plein d'aventures, de trahison, de vengeance pure et de questionnement ontologique. Forcément louable et recommandable.

Go old west, here