Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 juin 2022

Le Mort-vivant (Dead of Night) de Bob Clark - 1974

Dead-of-Night_-_Bob-Clark_07

Pas dégueulasse, ce petit Bob Clark que je n'avais pas l'heur de connaître, et qui nous offre en ces années de guerre au Viêt Nam une variation assez malaisante sur le choc post-traumatique et l'impossibilité d'accueillir dans une société normale les soldats revenus de l'enfer. Le bougre allie avant leur temps Rambo et Les Revenants, teinte son film d'une ambiance morbide et fantastique assez troublante, et attaque frontalement la bien-pensance de son pays. Celle-ci prend la forme d'une famille modèle américaine, qui attend avec impatience des nouvelles de leur Andy parti au front. Ils vont en avoir de funestes : le jeune gars est tombé au champ d'honneur, ce que nous confirme le très impressionnant plan post-générique où le corps du bougre explose sous les balles au ralenti. Mais voyez-vous ça, voilà Andy qui frappe pourtant à la porte familiale en cette sombre nuit... Son comportement a changé, il est froid, indifférent, hébété ; et des crimes mystérieux semblent jalonner ses errances dans la petite ville... On se rendra vite compte (en tout cas, bien avant ses parents dépassés) que notre fier soldat est un mort-vivant (oui, on a été aidé par le titre français, c'est vrai aussi), se décomposant physiquement sous nos yeux, que l'âme a définitivement quitté, condamné à occire encore et encore pour se régénérer en sang frais.

1584732770

Pauvre Andy, dont on comprend sans peine le tourment : c'est la douleur et le déni de maman quant à sa mort qui l'ont ressuscité et condamné à vivre dans cette bourgeoise banlieue pavillonnaire mortelle. C'est finalement plus l'ennui et le conformisme qui le rongent qu'une quelconque malédiction diabolique. Et Clark le comprend parfaitement : il délaisse toute l’imagerie gothique classique, toute trace de fantastique même, pour plonger son film dans une ambiance réaliste, très inspirée des images cradingues et traumatiques de Romero. Ce qui l'intéresse est la symbolique moderne du mort-vivant, comment la figure peut s'inscrire dans l’urbanisme moderne, dans l'ennui de la vie capitaliste et bien-pensante. Le personnage, malgré sa monstruosité, en ressort comme une victime des hommes, et non plus comme un meurtrier sans pitié. Les monstres, ce sont plutôt les vivants, cette famille conventionnelle campée par les cassavetiens John Marley et Lynn Carlin : leurs origines ancrent un peu plus le film dans l'hyper-réalisme, et en augmente l'aspect politique. Ce qui n'empêche pas Dead of Night d'être souvent spectaculaire, proposant des images inquiétantes, rendues angoissantes par le gros grain de la pellicule 16mm et par l’utilisation des flous, sur ce zombie prostré, opaque, dangereux malgré son immobilité. Le film est assez lent, inquiétant sans esclandre, et tout à coup explose dans des scènes de violence très speed (malheureusement gâchées par des effets spéciaux au rabais), il est parfois impressionnant par sa science du montage et du cadre. Bref c'est aussi satisfaisant visuellement que dans le fond :  on a trouvé dans le visage d'Andy, lisse en surface, lézardé sous le fond de teint, une image forte des violences cachées de son époque.

PDVD_092

Commentaires
Derniers commentaires