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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
30 mai 2022

Raging Bull (1980) de Martin Scorsese

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Ben oui, tiens, il manquait celui-là dans nos colonnes... Alors oui, je sais, je ne suis pas un grand fan de Scorsese (c'est plutôt Gols, l'adepte) et de sa fameuse monteuse, mais jusque-là Taxi Driver (revu récemment avec plaisir), Les Affranchis (Ray, c'est pour toi) et Raging Bull avaient généralement échappé à mon courroux. Bon, disons-le franco, avec la même fougue que met La Motta à défoncer une porte, je risque de revoir un peu Raging Bull à la baisse... Oui, je sais, il faut replacer cette œuvre très plastique dans son temps, reconnaître que cette (ultra)violence fit des émules et eut tellement de copieurs depuis (Scorsese et Spielberg, même capacité d'innovation et victimes jusqu'à la gabegie des mêmes plagiats) que certaines scènes font un peu pschiiiit... Voilà pour la forme... Dans le fond, c'est guère mieux ; si à l'époque il était évident que La Motta cochait toutes les cases du gros con (violent avec sa femme, infidèle, jaloux, un humour de beauf, une susceptibilité d'enfant de trois ans), le petit coup de pouce #metoo le fait vraiment passer pour un gros dégueulasse résolument creux... Du coup, en plus du petit sentiment de malaise qu'aime à insuffler Scorsese dans ses films (j'y reviens), on en ressent un encore plus pesant à la (re)vision de ce film, redoutant toutes ces scènes un rien redondantes où le boxeur, aveugle, menace sa femme avant de lui filer un marron... Mais, bon, heureusement, il y a encore des trucs à sauver.

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Scorsese, on le comprend assez vite, n'est pas là pour donner une image réaliste d'un combat de boxe. Ce qui l'intéresse, dans sa façon de filmer ce sport de grands malades, c'est d'en montrer toute la boucherie, le côté hyper violent, saignant, la destruction ou l'auto-destruction en action. Il trouve en La Motta le boxeur qu'il lui faut, lui ce taureau qui prenait plaisir, le cas échéant, pour une petite vexation parfois, à massacrer son adversaire d'un soir... et qui prenait plaisir, quand il se retrouvait incapable de faire la différence, de se faire massacrer par son adversaire, se faisant une loi idiote de rester jusqu'au bout debout. Du coup, chaque combat de boxe donne plus l'impression d'assister à la mise à mort de deux veaux au sein d'un abattoir qu'à un exercice de style entre deux pugilistes fairplay. Une fois sur le ring, ça cogne, la sueur gicle, le sang gicle, les dents giclent, bref c'est un carnage - et la caméra de Scorsese (et sa monteuse...) se repaît de cette violence jusqu'au dégoût. Tarantino prend des notes. Celui-ci d'ailleurs continuera de prendre des notes lorsque Scorsese, hors du ring, se met à écrire des dialogues qui tournent en rond, qui partent d'une phrase que l'on répète pour l'user jusqu'à la corde, qui trame ce genre de situation dont il a le secret : ça part tout doux, puis ça s'échauffe alors même que la conversation patine, puis ça monte, ça s'énerve, ça dégénère, et puis bordel ça part en cacahuète - littéralement. Forcément pour De Niro (alors au top dans la performance) et Joe Pesci, ces scènes-là sont du nanan et on prend encore et toujours plaisir à revoir ces joutes verbales merdiques (you fuck my wife ?) qui dérapent. Au moins, sur ce plan, un certain satisfecit.

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Mais dans l'ensemble, même si on apprécie, disais-je, ce don qu'a Scorsese pour rendre malaisante une situation banale, on a tout de même l'impression d'une œuvre où l'on voit les gros sabots même camouflés par des gants. Si on peut toujours apprécier, au niveau de la forme, ces petits montages alternés (image de bonheur sépia en couple ou entre amis / photos de combats de boxe qui se terminent par des KO) sur une musique classique joliette, on éprouve beaucoup plus de mal devant ces scènes à répétition où La Motta (Jack - mais aussi Joe par une fois) prend la gueule à tout le monde, frappe à tout va, se croit trop drôle en sortant des vannes de nigaud. Oui Scorsese veut sans doute montrer la chute terrible d'un homme (un champion au fort potentiel qui, une fois roulé dans la farine, utilisé, a perdu son sens de l'honneur, son humanité, toute capacité à la modération) : un taureau sur le ring, un bête manipulable, qui a fini par devenir au quotidien aussi con qu'un taureau (avec tout le respect que j'ai pour la chanson de Cabrel). C'est un peu un portrait à grands coups de serpes dans ta gueule, à l'image de ce gros plan sur une corde du ring d'où le sang continue de dégouliner, après un subtil et inattendu petit panoramique.... Scorsese, dont on apprécie, tout comme dans Les Affranchis d'ailleurs, cette capacité à faire monter la tension lors d'une scène, donne l'impression parfois d’asséner sa démonstration à grands coups de bélier un peu grotesques. Efficace mais un peu lourd à digérer, un peu comme un excès de pâte à la crème.

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Commentaires
R
Lol, le Mitch, avec ses avis tranchants et son style rasoir...
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S
On s'épouse ?
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B
Aaaaaaaah, je ne vous le fais pas dire mon bon Shang ! Diable que vous causez d’or, là, dites donc… aurait-on enfin la bienséance de déplorer les cyclopéens sabots et la mécanique invariablement grosse comme un double Quarter Pounder with cheese du père Scorzézé ?! <br /> <br /> J’ose espérer qu’on commence à déceler l’imposture, son cinéma vieillissant aussi mal que celui de Spielberg.
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