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26 mai 2022

Dames de Ray Enright & Busby Berkeley - 1934

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Enright, honnête travailleur du 7ème art, s'associe ici avec Berkeley, génial inventeur de formes, et le mélange est spectaculaire, à défaut d'être vraiment roboratif. Nous voici dans la comédie musicale la plus conventionnelle qui soit à cette époque, avec vieux barbons grincheux et belles jeunes filles volages, chanteurs sucrés et dindasses aux gambettes dénudées, qui vous propose son sujet de réflexion du jour : vaut-il mieux être tout gris et militer pour une morale rigoriste et chrétienne, ou faire des claquettes en rigolant et en buvant des coups ? Mabel (Joan Blondell) et James (Dick Powell) ont choisi la voie de l'éclate et de la danse, et sont bien décidés à monter leur show ; pour ce faire, ils sont même prêts à faire gentiment chanter tonton, et le faire raquer pour payer le spectacle. Celui-ci, pris entre les deux petits jeunes et un milliardaire puritain bien décidé à instaurer la rigueur morale dans tout New-York, va devoir ruser pour favoriser le show tout en faisant croire à sa sincérité dans le club de vertu catholique dont il est président. C'est la première partie du film (appelons-la la "partie Enright"), gentiment enjouée, pas avare en petites vannes futées et en situations pendables. Le brave Guy Kibbee s'en donne à cœur joie dans l'exercice, et c'est vrai que c'est plaisant de le voir transpirer parce qu'une blonde squatte son lit, ou rivaliser de fayotage auprès de son cousin milliardaire. Les scénaristes ne se foulent pas, allant même jusqu'à passer 15 bonnes minutes sur la recherche d'un sirop anti-toux qui ne mène pas à grand chose. Mais ils parviennent tout de même à nous amuser sans prétention, en inventant par exemple un personnage de garde du corps qui dort tout le temps ou en nuançant le personnage du barbon, après tout plutôt bienveillant avec la jeunesse, l'alcool et le sexe... Ça fuse, c'est gai et coloré (même en noir et blanc), on sent bien que c'est juste là pour nous amuser, bon, ça se laisse regarder sans trop de dommage.

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La deuxième partie est bien entendu consacrée au show lui-même, nous l’appellerons donc la "partie Berkeley". Le bougre n'étant pas un adepte de la sobriété et de l'épure, on est donc face à d'immenses ballets employant au minimum 13000 figurantes (et le double de jambes, du coup) s'agitant en une parfaite harmonie, souriant de toutes leurs belles dents, et formant moult figures géométriques impressionnantes. Berkeley se sert des corps pour fabriquer des sortes de tableaux abstraits vivants, pour lui la beauté est dans le parallélisme et la synchronisation. Et c'est vrai que c'est bien spectaculaire, ces jeunes filles qui, écartant leur gambettes ou ôtant leurs chapeaux, donnent à voir ici une fleur géante, là un serpent. Ce qui bluffe le pus, en fait, c'est que Berkeley, sitôt la musique lancée, fait tout pour sortir le music-hall du théâtre ; si maints metteurs en scène tiennent toujours à rappeler qu'on est au théâtre, filmant depuis le public ou usant de tous les artifices de la scène, le bougre, lui, met son point d'honneur à faire éclater tout ça, et à utiliser touts les possibilités du cinéma pour rendre les chorégraphies encore plus spectaculaires : plongées, contre-plongées, travellings, zooms, gros plans, montage, trucages, tout est bon pour faire sauter les murs du théâtre. C'est même presque absurde de voir le public du théâtre applaudir sagement entre les numéros, comme s'il avait pu assister à ce qu'on venait de voir. Bon, il faut aimer les grands ballets, hein, et les chansons à la guimauve, mais il faut reconnaître que Berkeley ne manque pas d'imagination, on pense parfois à Fantasia mais avec des vraies gens... A ce niveau-là, on n'en a plus grand-chose à foutre du scénario, et d'ailleurs les gars le laissent complètement filer, le concluant en deux secondes : n'importe que le spectacle. Et spectacle il y a, reconnaissons-le, dans ce film stupide mais hyper-efficace, qui comblera gentiment une soirée pas trop exigeante.

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