Ah cette éternelle littérature française qui s'empare des causes les plus grandes, les plus universelles, les plus dramatiques ! Aujourd'hui, donc, le mal-être d'un jeune homme qui aurait tout pour être brillant, mais dont l’inadaptation au monde, la timidité maladive et le manque de confiance en soi condamnent à l'inaction. Ratant l'examen de Sciences-Po parce qu'il croit qu'il fait un infarctus, le voilà livré à lui-même dans ce monde hostile, aux prises avec des femmes de sa famille trop maternantes ou trop adulescentes, avec des filles de son âge qui ne l'intéressent pas (son homosexualité se fait sentir à maints endroits) et avec un sens de la procrastination bien en place. Voilà. Portrait d'un jeune d'aujourd'hui, oui, c'est ça, d'un mec trop sensible et trop original pour s'adapter à ce monde, trop rêveur pour s'adapter à la course au profit et à la concurrence, trop romantique pour se contenter des relations éphémères... César Morgiewicz, on s'en doute, est sincère dans ce premier roman qui se veut léger et amer comme la vie, et son (auto ?) portrait est doté d'une authenticité qui ne fait pas de doute. Mais on se dit tout de même qu'à 25 ans, si on n'a comme besoin et comme nécessité que de publier un livre aussi peu habité et aussi futile, la jeunesse se perd... On aurait envie que la jeune génération secoue le cocotier, vienne nous déranger sur nos bases, révolutionne l'écriture, nom de Dieu, que ça saigne, que ça crie, que ça dépote ; mais notre petit lapin ne nous propose que des jérémiades rigolotes et des situations pendables, et son livre ne va pas plus loin que le bout de son nez, qu'il a l'air de considérer cela dit comme le centre de l'univers. On dirait du Pennac, mais en encore moins grave : ses aventures avec sa mémé exilée aux États-Unis, ou avec ses colocataires en Russie ressemblent à des épisodes de La Boum, c'est à ce niveau-là d'importance. Quant au style, ça semble être le cadet des soucis de l'auteur, que l'on verrait plus officier sur un blog vidéo rigolo (#mavied'inadapté, #mamère, #lesfillesohlala, #troplolmamémé) que rangé à côté de Proust ou Céline dans la collection blanche de Gallimard : phrases pauvres en vocabulaire, rythme rapide et saccadé sans raison, aucune contextualisation, aucune construction... Vous l'avez peut-être soupçonné au vu de ces lignes : j'ai assez moyennement accroché à cette littérature de plage sans consistance, sans enjeu, sans saveur, sans importance.
10 mai 2022
LIVRE : Mon pauvre Lapin de César Morgiewicz - 2022
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