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7 mai 2022

L’Homme au crâne rasé (De man die zijn haar kort liet knippen) d'André Delvaux - 1965

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Étant donné qu'André Delvaux est considéré comme le premier cinéaste belge (d'importance, en tout cas) et que L’Homme au crâne rasé est son premier film, ne serait-on pas là, tout simplement, en face du premier film belge ? Non, mais je pose la question. En tout cas, pour un coup d'essai, le moins qu'on puisse dire, c'est que Delvaux, qui nous a déjà bien emballés sur d'autres œuvres, réussit un parfait coup de maître. La mise en scène très rigoureuse de ce film assez austère doit beaucoup à la qualité de la chose, mais au niveau du scénario aussi, il marque quelques points en s'inscrivant dans une veine onirique et "pauvre" assez à la mode en ces temps de littérature existentielle et de Nouveau Roman.

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Govert est un petit prof vieillissant d'une quelconque université, et on l'attrape le jour avant les vacances, celui où il faut faire ses adieux à la promo et laisser les jeunes filles qu'il a eues comme élèves s'ébattre dans le grand monde. Parmi elles, Fran, la femme dont il est tombé dingue et à qui il est bien décidé à déclarer sa flamme ce jour. Au cours d'une fête étrange, qui se déroule comme dans un rêve où on est sans cesse empêché, au son de chansons à la Kurt Weill, déstructurées et morbides, notre gars va tout faire pour parvenir à la jeune fille, mais peine perdue. On le retrouve alors ayant quitté son emploi, des années après. Au cours d'une escapade particulièrement éprouvante au cours de laquelle il assiste à une autopsie, il retombe par hasard sur Fran, devenue chanteuse célèbre. C'est alors qu'il passe carrément de l'autre côté, mélangeant ses fantasmes à son expérience réelle, mêlant l'expérience morbide qu'il vient de vivre à la reconstruction rêvée du passé. Dans cette chambre d'hôtel comme isolée du monde, il va pouvoir enfin déclarer sa flamme, entendre la belle lui affirmer son amour en retour... à moins qu'il n'imagine tout ça... Comme d'habitude chez Delvaux, la frontière est très fine entre rêve et réalité, et les personnages passent de l'un à l'autre presque imperceptiblement ; mais quand ils y sont, l'univers mis en place est incroyable : de même que la scène de la danse dans Un Soir un Train (une des scènes que je préfère dans tout le cinéma mondial, c'est dit), le surréalisme inquiétant n'est jamais loin de cette deuxième partie de film, une sorte de monde à la Magritte, où les choses sont subtilement inversées et inquiétantes.

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La grande pureté des plans, le noir et blanc très habilement contrasté, le jeu atone des acteurs, l'étrangeté du scénario, les brusques changements de rythme (une scène très cut, à la Godard, chez le coiffeur, puis de très longs plans dans la chambre d'hôtel) tout ça contribue à cette atmosphère presque fantastique alors qu'on est plongé dans le concret. La scène de l'autopsie, tout en hors champ, nous plonge les deux pieds dans le réel, mais la psyché de Govert est elle entièrement dévouée à l'imaginaire, au possible, au fantasme. C'est cette bizarre dichotomie qui fait tout le charme de ce film insaisissable. Tellement insaisissable, que, oui, parfois il échappe : chiant à certains moments, cultivant une lenteur et une austérité qui peuvent gaver, il ne fait pas grand-chose pour se faire aimer. Mais on rentre comme en terre étrangère dans la chose, et pour peu qu'on se laisse aller à cette arythmie et à cet amour du vide, on aimera L’Homme au crâne rasé.

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