LIVRE : The Unstable Boys de Nick Kent - 2021

Une petite récréation salutaire entre deux lectures chiantes, ça ne peut pas faire de mal. Et Nick Kent honore complètement la commande avec ce The Unstable Boys rigolo, léger et sans prétention. Nick Kent est le critique musical qu'on connaît, impossible de le prendre en défaut sur sa connaissance du milieu du rock, en particulier celui des vieux de la vieilles des années 60-70. Il invente ici un groupe qui fut mythique en son temps, sorte de mix entre les Sex Pistols, les Pogues, le Velvet et les Ramones : les garçons ont été adulés le temps d'un album, puis les frasques de son chanteur, la consommation intensive de drogues, la flemmardise et les égos démesurés ont fait leur travail de sape, et les Unstable Boys ont disparu dans les les limbes de l'histoire, ne laissant presque aucune trace sauf un vinyle culte, une poignée de fans vieillissants et le souvenir d'excès en tous genres. En 2016, un auteur de polar à succès, en panne d’inspiration, décide de ressusciter le groupe : il publiera un livre d'entretien du chanteur (The Boy, le mec ingérable, maléfique et complètement con) et même, qui sait, convaincra les gusses de se reformer pour une tournée. The Boy, attiré par le gain probable, refait surface... et c'est le début de l'enfer pour notre auteur. En parallèle, on assiste à la remise en question du guitariste du groupe, exilé en Hollande, et qui redécouvre doucement le plaisir de la musique et des stupéfiants par la même occasion.

L'histoire est amusante, même si Kent n'est pas un as de la construction et laisse sa trame en plan à maintes reprises. La fin, notamment, semble bouclée en trois coups de cuillère à pot, la plupart des options mises en place se terminent en queue de poisson. Mais malgré ça, la lecture est très agréable, le style joyeusement dynamique, Kent ne s'embarrasse pas tellement de détails et balance les événements façon polar, ajoutant même des tueurs russes, de la pègre hollandaise ou du hacker clandestin à sa trame principale, histoire de gonfler un peu la tension. Le personnage de The Boy est particulièrement bien dessiné, ce type est absolument insupportable et on jubile de le voir aller toujours un cran plus loin dans l'abjection. Deux portraits sont par ailleurs particulièrement réussis : celui du monde de l'édition à succès, avec cet auteur de best-sellers qui se retrouve très vite dépassé par les petits jeunes qui vont plus loin que lui, et dont l'amertume qui s'en suit est a cause de tous ses maux ; et bien sûr celui du milieu rock des années 60, regardé ici avec un mélange de tendresse et de cruauté très efficace. Kent est parfait pour raconter les excès et les caprices de cette génération du "no future" complètement abandonnée à la contemplation d'elle-même, et le mélange d'amateurisme et de foi incroyable en eux-mêmes de la plupart des groupes "garage" de l'époque. Il arrive à emballer tout ça dans un livre fun, qui durera certainement aussi longtemps que son groupe imaginaire (une poignée de mois) mais qui vous occupe bien l'esprit.