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REALISATEURS
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27 avril 2022

Elena de Petra Costa - 2012

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Il faut croire que le cinéma peut constituer une excellente thérapie, en tout cas pour celui qui le fabrique. Petra Costa est hantée par un mal profond, et décide donc de sortir sa caméra (et sa table de montage, élément essentiel de son film) pour exorciser sa peine. Elena fait partie de ces films douloureux qui, comme ceux de Caouette ou plus récemment de Caravaca, sont faits par nécessité, pour arriver à faire le deuil, pour expulser un mal-être insupportable. Le film y gagne indéniablement en intensité, en fièvre, en urgence, en sensibilité. Que le public s'y retrouve ou non, qu'il ait l'impression de suivre une psychothérapie en direct, d'être pris en otage dans un malheur qui n'est pas le sien ou qu'il adhère à cette douleur, est une autre question : le truc est utile pour son créateur, il importe donc de le regarder tel quel.

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Bien, quel est donc ce mal qui est à l'origine du film ? Eh bien la sœur de la réalisatrice, Elena donc, jeune fille de caractère dont la vocation se transforme en obsession : elle sera actrice, danseuse, et est prête à tout pour ça. Mais on le sait, il y a peu d'élus, et la carrière d'Elena va se heurter au même mur que les autres : un ou deux pauvres clips, une pub en mousse, un minuscule rôle, et voilà notre belle ambitieuse sans emploi, gagnée par une déprime qui se transforme peu à peu en désespoir. Elena se suicide loin des siens, laissant Petra complètement déboussolée, seule et envahie par les questions. Dans un premier temps, elle filme cette relation sereine et toute d'admiration entre elle et son aînée, en montant des images familiales idylliques : on y voit Elena danser, chanter, poser pour la caméra, et on y entend la réalisatrice vanter le talent inné de sa sœur. Une fascination qui, par la bande, montre aussi la fragilité de Petra, qui s'adonne complètement à l'ambition d'Elena, au risque de se perdre elle-même. Puis, une fois Elena partie, le film se fait plus rêveur, plus abstrait, en imaginant la vie de celle-ci loin des siens, à New-York, en la rêvant actrice célèbre. Le choc de sa mort est d'autant plus rude, et tout le dernier tiers du film est une magnifique plongée dans ces images d'archive, tentant de déceler dans les détails les traces du destin cabossé d'Elena, les prémices de sa chute. C'est la partie la plus intéressante, la plus sincère, et Costa y fait souvent preuve d'une belle inventivité. Dans ces séquences magnifiques où des femmes se laissent flotter telles des Ophélie modernes, dans le caractère presque onirique dont le film se revêt subitement, on reconnaît immédiatement une cinéaste, qui ose des images fortes et sait transformer des idées, des concepts en objets concrets.

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Malgré le côté thérapie du film, qui peut me laisser sur le côté à pas mal d'endroits, et malgré quelques tics de cinéaste branchouille qui peuvent m'énerver (ces cadres tordus, ces flous artistiques, ...), Elena est passionnant, tellement envahi par cette personnalité hors-norme qu'il finit par ressembler à un fantôme lui-même. Toute la première partie, constituée pour l'essentiel d'images prises par Elena elle-même dans son enfance, dépasse le portrait de la jeune fille, pour atteindre à quelque chose de plus universel : on y voit le Brésil des années 80, mais on y voit surtout la vie d'une famille de moyenne bourgeoisie à qui tout sourit. Le film est aussi bien un portrait de la mère (très beau personnage) et un auto-portrait qu'un kaddish pour une sœur défunte. Costa parvient à dépasser l'expérience personnelle pour atteindre à quelque chose qui nous touche, une douleur commune, et ça c'était pas gagné d'avance, tant le film s'annonce comme une œuvre nombriliste et doloriste.

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