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21 avril 2022

L'Escalier de Service (Hintertreppe) (1921) de Leopold Jessner & Paul Leni

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Il est bon de se laver l'esprit, parfois, avec un bon vieux film muet des familles. Jessner et Leni nous livrent ici une histoire de trio aux allures de petit théâtre intime : une poignée de lieux concentrés autour d'une rue et hop c'est parti. L'histoire est simple comme moshi moshi ; une servante (Henny Porten, diablement expressive derrière son petit minois banal) a un amant (William Dieterle, eh oui, le réal que l'on aime particulièrement en ces colonnes) ; tous les soirs, à la lumière d'un réverbère, elle le rejoint et ils s'embrassent. Voila, fin de l'histoire... Faux... Je reprends. Tout cela se passe, chaque nuit, sous les yeux d'un individu au physique ingrat, bancal - le facteur ; tous les jours, il vient lui-même frapper à la porte de l'appartement où officie la servante : il la mange des yeux, elle ne regarde que le courrier... Seulement voilà, un soir, plus d'amant, le second soir non plus, et puis pas une lettre d'explication... La servante a le regard tout suppliant quand le facteur arrive, nan rien, pour elle... et puis, et puis un jour, une lettre de l'amant lui disant qu'il pense à elle, tiens... clink, clink, vous voulez que je vous fasse un dessin ? Mais attendez, ce ne sont ici que les prémisses d'une love story qui... poh poh poh...

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La première petite chose que l'on a vite fait de remarquer, c'est la quasi absence de cartons (on pourrait d'ailleurs, m'est avis, par esprit de pureté totale, se passer de tous) ; la seconde, c'est la joliesse de la mélodie (saluons ce Jack Hardy qui a su composer une petite merveille a posteriori) qui dès les premières secondes accompagne notre jeune servante pimpante ; elle se fait forcément plus sombre lorsqu'elle vient se poser sur notre facteur voyeur qui, de sa fenêtre, épie les amants... Ensuite, tout n'est qu'une question de direction d'acteurs, de rythme, de pause, de posture... Sans vouloir dévoiler le reste de l'histoire (qui dure à peine cinquante minutes qui plus est), avouons qu'on est sous le charme des regards de Porten, qu'on apprécie grandement sa façon d’accélérer le rythme (quand elle bosse) et de le ralentir à l’extrême quand elle aime (sa façon de caresser les cheveux de la personne pour laquelle elle a de l'affection est la plus sensuelle des choses). On est rapidement tout plein d'empathie pour elle, par rapport à ses doutes, ses inquiétudes, sa nervosité, comme lorsqu'elle retrouve enfin un peu d'apaisement, de joie... Une façon très "particulière" en un sens de jouer (plus simplement expressive qu'expressionniste si on osait) même si la toute dernière bobine verra ce jeu-là partir quelque peu à la dérive (une théâtralité exacerbée, dirons-nous, en accord avec une situation... cornélienne en un sens). Mais cette subite accélération de l'action ne fait pas oublier pour autant ces scènes sereines entre une Porten troublée et un facteur éberlué, halluciné. Rien que pour cela, le film, par ce romantisme silencieux (oui, forcément... mais sans cartons c'est encore plus silencieux que d'habitude...) touche délicatement, pour peu que l'on soit encore sensible à quelques grammes de grâce dans ce monde si pervers. Un escalier à prendre, de ce pas - hop hop hop !

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