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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
7 février 2023

Piccolo Corpo (2022) de Laura Samani

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Voilà un film qui mérite une triple attention ; pour ce female gaze de Laura Samani - rien d'érotique ici mais une sensibilité toute féminine -, pour ces paysages du Frioul qui donnent indéniablement envie de se lover dedans (sans parler de cette langue dont je parle couramment un mot : bondi !), ou encore pour cette poésie qui imprègne magnifiquement toutes ces séquences aquatiques et basiliques (je me comprends). C'est un  film qui prend, comme on dit, tout son temps pour faire entendre sa voix, un road movie sur des chemins de traverse d'un autre temps (le film est censé se passer au début du XXème siècle et aucune scorie du monde moderne n'apparaît), un buddy movie aussi, en un sens puisque Agata, notre héroïne, et ce compagnon de voyage, vont entreprendre ensemble ce voyage jusqu'au bout du froid...

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Une femme, malgré les rites ancestraux de cette petite île du Frioul, perd son enfant en couches... Elle ne peut, à son grand désarroi, donner un nom à cet enfant ; sur les conseils de gens du village, elle décide de partir en solo, d'entreprendre un périple jusqu'à une petite basilique où une femme donnerait à l'enfant un ultime souffle de vie, permettant ainsi qu'on puisse le nommer. Armée de son courage et d'une petite caisse en bois contenant ce mini cadavre, Agata fait des rencontres (dangereuses, surtout - cet étrange compagnon qui d'abord la trahit, cette bandite de grand chemin et ses acolytes...) mais avance coûte que coûte jusqu'à cette temporaire résurrection promise... En pure perte, ou pour enfin retrouver ce lien avorté avec cette fille ?

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Il y a ici bien sûr la part de croyance, de foi, cette volonté plus forte que tout de croire en un miracle, il y a bien évidemment une touche féminine incontournable (on retrouve des femmes à tous les moments clés) mais il y a aussi bien sûr tout ce qui donne à ce voyage son sens, sa cohérence, sa valeur... Ne se séparant jamais de cette boîte où sa fille repose, on a l'impression qu'Agata essaie de forcer cette relation mère-fille - à laquelle l'accouchement et la mort prématurée ont pourtant mis fin : seulement Agata ne semble vouloir encore s'y résoudre. Une façon donc de prolonger cette "communion" (un brin à sens unique, certes) mais qui n'est pas non plus totalement vaine puisque lors de ce voyage elle va faire également la connaissance d'une personne dont le soutien sera plus fort que tout... Après avoir échappé à la mort (c'est l'enfant qui la sauve en un sens...), elle continue sa route avec ce drôle de compagnon qui lui sert de boussole ; elle émerge avec lui d'une montagne (un second accouchement ? why not...) et elle tisse avec lui des liens, une relation, une amitié, un partage, qui ira "au-delà" sans doute de ses espérances. Brisons-là pour ce qui est de la ligne narrative et posons nous au bord de ce lac-styx qui ouvrira une fin d'une beauté indicible. Le film, quelque peu lancinant dans son rythme, parvient doucettement à nous charmer par cette beauté des paysages, par ce sens de l'entraide qui émerge et par cette foi sacrée capable de faire bouger des montagnes. Magnifique premier long-métrage de Samani, dont l'acuité du regard ouvre de belles promesses.   (Shang - 19/04/22)

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Un bien beau film, oui oui, sérieux comme un pape mais très prenant. On oublie très vite ce rythme lent pour se concentrer sur cette jeune fille butée, tendue vers son but : libérer son bébé des limbes (il est plus question de croyance, de religion, de superstitions, que de donner une identité à ce môme), en le rendant à la vie quelques secondes, le temps de pourvoir le considérer comme un être "qui a vécu". C'est très beau comme histoire, et ça permet effectivement à Samani de jongler avec les vieilles croyances liées à son territoire (qu'elle filme magnifiquement, comme une terre de dangers et de mysticisme archaïques), tout en déployant ce personnage obstiné, têtu malgré les épreuves. Sa rencontre avec cet être hermaphrodite est elle aussi filmée comme une rencontre un peu magique : parce que c'était lui (ou elle), parce que c'était elle (ou lui), leur lien va s'étendre très loin, jusqu'à ce dénouement effectivement très beau et osé qui vous arrive façon uppercut, sans qu'on s'y attende. C'est peut-être l'aspect le plus abouti du film, au-delà de cette belle restitution d'un pays sauvage et légendaire : la solidarité féminine qui se construit "en marge", par-delà les codes de l'amour traditionnel. Le film est féministe, mais pas de façon démonstrative, revendicative. Piccolo Corpo parle de ça, mais le fait dans un écrin qui va du réalisme le plus cru à une magie panthéiste, du concret vers le mystique. C'est très ancré dans le territoire, un peu comme aurait pu le faire un Ermanno Olmi, et ça s'appuie sur le dialecte, les chants, la terre de cette région ; mais ça a aussi la tête dans les nuages, la quête religieuse étant finalement le seul but de cette femme. Très beau.   (Gols - 07/02/23)

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Commentaires
T
Merci les zigues ! Avec Piccolo Corpo et Godland (l’un m’ayant sensiblement fait penser à l’autre) j’ai trouvé mon road-movie-combo rêvé de la cuvée 2022-23, tiens.
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L
Une merveille, lente ,profonde, magique.
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