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19 avril 2022

LIVRE : Le Crépuscule du Monde (Das Dämmern der Welt) de Werner Herzog - 2022

Le-Crepuscule-du-mondeVous avez aimé Onoda, le film ? Vous aimerez ce bouquin de Herzog qui revient sur l'aventure extraordinaire de ce type qui continua sur sa petite île des Philippines à faire la guerre contre ces salauds d'envahisseurs ricains invisibles... pendant 29 ans... Ce n'est en effet qu'en 1974 que notre homme finit par se "rendre" ou tout du moins par entendre raison - croyant jusqu'au bout qu'on essayait de l'enfumer. Trente années presque à livrer un combat pour rien, à se dissimuler dans la forêt, à échapper à plus d'une centaine d’embuscades. Herzog, à défaut de vouloir rencontrer l'Empereur du Japon comme il l'énonce en préambule, put rencontrer le gars Onoda une fois de retour au Japon - forcément. Même si, comme on le notait dans nos petites chroniques sur le film, Onoda ne sombra point dans la folie, le parcours jusqu'au-boutiste, dérisoire, hanté, pugnace de cet homme ne pouvait que toucher un gars comme Werner - qui dut être vert d'ailleurs de ne pas pouvoir faire le film. Il se rattrape avec ce roman très plaisant à lire puisque l'on retrouve ici racontée par le menu dans ce court ouvrage cette capacité d'Onoda à survivre, à se dissimuler, à s'enfoncer également de plus en plus dans sa paranoïa, remettant en cause année après année les appels à se rendre - voyant derrière chaque journal, chaque témoignage relayé par des enceintes, une manipulation évidente de l'ennemi américain... C'est une vraie histoire de fou dont Herzog tente de retranscrire par grands bonds les différentes étapes : les premiers mois de lutte à s'organiser (comment huiler son sabre et ses munitions...), les camarades qui tombent (il fut longtemps avec trois, puis deux puis un compagnon), les attaques éclairs contre l'autochtone, les façons toujours plus chiadées de ne pas se faire remarquer et puis la rencontre avec ce Suzuki, ce jeune homme qui avait pour ambition de trouver Onoda, le Yéti et un panda géant dans son antre... Il ne retrouva qu'Onoda, ce qui est déjà pas mal, périssant lors d'une avalanche à ça du yéti, sûrement... Il est des destins tout de même peu communs... Bref. On sent ici l'intérêt d'Herzog pour cette jungle (dans laquelle il se perdit également le temps d'un film), dans cette capacité à rentrer dans le cerveau d'Onoda qui trouve toujours une interprétation rationnelle à tout ce qui se passe sur terre et dans les airs et ce pendant trente ans et surtout dans ce plaisir à narrer l'histoire d'un type fidèle jusqu'au bout à ses principes, ses convictions et sa mission un chouille à la con. Pour faire durer le plaisir du film, Herzog écrivain tient bon la barre.   (Shang - 14/04/22)


711Hfq7W0ZSMouais, je suis d'accord sur le fond avec mon comparse : l'histoire d'Onoda est tellement exceptionnelle et folle qu'elle mérite bien un livre, même s'il arrive après le film excellent d'Harari. On retrouve sans problème et avec plaisir ce soldat qui a fait de la survie une manière de vivre... même si c'est dans un contexte complètement absurde, puisque la guerre s'est terminée sans qu'il le sache quelques 30 ans plus tôt. Herzog adopte un angle nouveau pour parler de cet homme : il en fait un héros là où Harari en faisait une sorte de déclassé, il en fait un symbole de l'absurdité du monde là où Harari dénonçait plutôt l'aveuglement militaire. Les deux versions se défendent, et on apprécie beaucoup la vision qu'en a Herzog, dont le talent n'est plus à démontrer quand il s'agit de dépeindre des fous, des jusqu'au-boutistes ou des parias. Il a trouvé dans ce personnage une nouvelle corde à ajouter à son arc, et on en viendrait presque à souhaiter qu'il réalise son propre film sur le sujet. D'ailleurs, on soupçonne un peu le gars d'avoir été doublé par Harari, d'avoir voulu écrire un film puis d'avoir dû renoncer suite à la sortie du film français. Le livre contient encore plein de phrases qui sont comme de courtes notes de scénario, indications de lieu ou de temps qu'on imagine bien issues d'un script. Et j'en viens ainsi à la deuxième partie de mon brillant exposé : le style. Là, on tique beaucoup plus. L'écriture de Herzog est démodée, appuyée, quand elle n'est pas bâclée. Outre ces petites phrases télégraphiques relevées plus haut, qui sont laissées là en dépit du bon sens (elles prennent place au milieu d'un livre plutôt élégiaque, qui se veut bien souvent relativement lyrique, du Herzog quoi), on relève pas mal d'approximations grammaticales (les conjugaisons et la concordance des temps ne sont pas la tasse de thé de notre gusse) et moult lieux communs, phrases toutes faites sur la nature, sur la "moiteur de la jungle", sur les explosions qui "trouent la nuit", ce genre de choses usées jusqu'à la corde. La fausse construction "savante" du récit, qui se pique de mélanger les temporalités, est vite épuisée : Herzog revient très tôt à un récit linéaire, abandonnant ses ambitions premières. C'est comme si le livre avait été commencé dans l'enthousiasme et terminé dans le désintérêt, d'où mes suspicions de film qui n'a pas pu se faire. C'est dommage, car psychologiquement, le portrait se tient, et Herzog parvient d'autre part à bien dessiner les rapports d'Onoda avec la jungle, avec son territoire, et à mettre des mots sur sa paranoïa. Un livre un peu réussi, un peu raté, comme l'est souvent l’œuvre du précieux cinéaste qu'est Herzog.   (Gols - 19/04/22)

Werner uber alles

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