Les Rois de l'Arnaque de Guillaume Nicloux - 2022

Nicloux fait un pas de côté dans le documentaire, genre qui lui faisait clairement de l’œil depuis que ses films mélangent fiction et réalité, avec ce film amusé sur un casse du siècle (un de plus). Le principe : une équipe de bras franchement cassés dans tous les sens monte une immense escroquerie qui s'appuie sur la fameuse taxe carbone, en truandant sur un point de litige un peu flou dans la loi, la TVA comptabilisée dans certains pays et pas dans d'autres. Cette faille du système leur a permis de truander allègrement le FISC, de détourner l'argent public à hauteur de plusieurs centaines de millions, et de se payer des petites soirées pas dégueulasses à base de filles dénudées, de stars de la télé, de champagne coulant à flot et de biffetons balancés comme des cartes à jouer. Les gars ont été attrapés par la justice, bien sûr, et aujourd'hui ils reviennent sur leur coup. Plus particulièrement Mardoché Mouly, un crétin intégral, 2 de QI, analphabète, qui ne comprend rien à rien, mais par contre fier et hâbleur comme un coq, et qui monte sur ses grands chevaux au quart de tour : il fait le personnage principal du film, et il n'a pas l'air mécontent d'avoir des caméras braquées sur lui, bien qu'il se prétende candide comme l'agneau dans l'affaire. C'est pas lui, m'sieur le juge, c'est les autres, les intellos, les financiers, les traders ; lui, il ne sait même pas ce que c'est que la TVA, m'sieur le juge, il vous le jure, il s'est juste laissé entraîner, et c'est vrai, il a dépensé pas mal d'argent, mais il a plus rien aujourd'hui, m'sieur le juge, il est ruiné !

Nicloux fait de cette bande de mi-débiles un portrait haut en couleurs, peut-être un peu trop fasciné par ses personnages pour vraiment convaincre. Car pour tout dire, cette arnaque manque sévèrement de panache. On aime quand les escrocs sont intelligents  et audacieux, moins quand, comme ici, ils se montrent veules, cupides et minables. Dans une mise en scène au mieux étrange (c'est quoi ces titres de chapitres écrits avec des néons ?), au pire insipide (sempiternels plans sur des personnages qui parlent face caméra), le gars voudrait pourtant bien que cette affaire nous fasse nous taper sur les cuisses de stupéfaction ; il dope son film d'effets sensés nous suggérer le coup de théâtre ou la surprise. Mais rien n'y fait : ce "coup du siècle" reste un pauvre vol sans envergure opéré presque par hasard par des couillons qui ont senti la faille. Plus intéressante est la façon dont Nicloux suggère que le système adore ces petits matamores analphabètes et pétés de thunes : la séquence de la bar-mitzvah du neveu de Mouly, où est invité tout le ghotta des célébrités du moment (Gad Elmaleh, Hanouna, Bruel...) vaut son pesant de sous-entendus sur l'intérêt que Mouly a pu représenter pour elles pendant quelques temps. On aime aussi le portrait en creux que livre Nicloux sur l'explosion d'un groupe : la deuxième partie du film est un long défilé de trahisons, de dénonciations, de dénis, et d'amitiés qui volent en éclat, quand ce n'est pas tout simplement les exécutions sommaires qui viennent fissurer la belle aventure friquée de ces messieurs. Cette noirceur vient enfin justifier un film qui, sinon, s'appuie assez paresseusement sur le verbe haut de ses protagonistes ou l'absurdité de leur aventure, et se contente de rigoler devant ces petits flambeurs sans envergure avec un brin d'admiration cachée.

Comments

[Zou]

Les gusses supposés débiles se sont quand même bien rempli les poches. Et ces "gens propres" qu'auraient bien voulu faire le même casse... C'est plutôt rigolo hé hé.

Bon, pas fascinant non.