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6 avril 2022

Nashville (1975) de Robert Altman

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Eh oui, l'ami Gols en parlait justement dans sa précédente chronique : ce qui manque à P. T. Anderson, c'est l'art d'un Altman. Art qu'Altman porte à son summum ici (même si je dois avouer avoir une faiblesse pour Short Cuts) en tissant une fresque qui fait se croiser plus d'une vingtaine de personnages lors d'un festival de musique à Nashville. C'est lors d'un carambolage monstre que tous ces petits monstres, chanteurs stars et amateurs, journalistes, intermédiaires du monde de la musique et de la politique... sont présentés et on se dit que la gars Altman a quand même, le bougre, un sacré sens de la mise en scène et du montage. Alors que les musiques s'enchaînent pratiquement tout du long (et 2h40, c'est pas rien), qu'un discours politique démago à mort (depuis un camion qui sillonne la ville) s'insère à la moindre occasion, Altman parvient à nous raconter les bribes de vie plus ou moins pathétiques de ces personnages qui participent à une sorte de société du spectacle généralisée... Chanteurs et politiques semblent désormais être obligés de faire bon ménage : on ne sait d'ailleurs plus trop si c'est l'élection qui s'invite à ce festival ou si ce festival ne peut que se tinter de politique, tant les deux finissent par être intrinsèquement mêlés ; il faut en mettre plein les yeux et les oreilles au public, les politiques l'ont tous bien compris, tel ce candidat que l'on ne voit jamais à l'écran, qui ne débat jamais (quoi, j'ai rien dit ?) mais dont toute une équipe de com s'occupe pour faire parler de lui. D'où forcément, un petit ton grinçant très altmanesque dans ce constat d'une vie politique qui se contente d'un camion de cirque et d'une scène de spectacle...

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Mais Altman, aussi, par le biais de toutes ces petits vies qui se croisent, qui interagissent sans toujours franchement communiquer (chacun est un peu dans son discours, dans sa bulle (tel Jeff Goldblum caché derrière ses immenses lunettes et circulant sur son tricycle de l'espace), dresse un portrait assez acerbe de cette communauté d'artistes où les petites questions de coucherie et de cul focalisent l'attention : à l'image de ce Tom (Keith Carradine) qui couche... avec la donzelle du type avec lequel (et aussi laquelle...) il forme sur scène un trio (il couche d'ailleurs avec toutes les femmes qu'il croise, tel un parfait mufle), à l'image de cette pauvre chanteuse à laquelle on demande, en pleine "réunion-spectacle" politique de faire un strip-tease (en lui faisant miroiter les étoiles), à l'image de cette grande gigue (Shelley Duval), habillée d'un mouchoir en soie et que l'on retrouve au bras du moindre mec... Tout ce petit monde, les ambitieux, les paumés, les ringards (Henry Gibson as Haven avec sa tenue à la Elvis et ego plus gros qu'un melon) se retrouvent dans cette petite farandole de vie sans qu'on ait vraiment l'impression, derrière le clinquant, derrière les sourires, derrière la chansonnette, qu'il y ait vraiment des liens forts, des convictions profondes... La parfaite illustration en est sûrement cette scène où une journaliste (l'auto-centrée Geraldine Chaplin) se retrouve à parler toute seule, à voix haute, dans cette casse impressionnante de bagnoles ; comme si tout tournait désormais à vide, comme si le rêve américain (ces grosses cylindrées) avaient pris un coup irrémédiable dans la tronche ; les rêves ne sont plus que des carcasses sans âme... Restent ces petites chansons qui divertissent en boucle le commun des mortels dont on se demande s'il leur reste encore un cerveau (l'ultime scène où le divertissement triomphe : the show must go on, for sure). Si on peut être en un sens un peu frustré de ne pas suivre un fil rouge vraiment fort (même si on sent venir depuis le départ une tragédie, comme un thriller sans cesse repoussé), de ne pas suivre un ou deux personnages centraux, on sent bien que cela participe aussi à ce petit côté artificiel des existences où aucune de mérite plus d'attention qu'une autre. Un film qui semble partir dans tous les sens (dans le fond), mais (dans la forme) une symphonie réglée au millimètre par un Altman qui démontre tout son génie à mettre en scène un film choral. Et même si l'on gamberge parfois un peu devant cette foultitude de personnages, devant ces discussions un brin oiseuses, on se dit que le Robert reste définitivement THE référence en la matière... Revoir Short Cuts, alors ? Oui, oui, bientôt.

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