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6 avril 2022

LIVRE : In Absentia de Rapahël Jerusalmy - 2022

9782330164362,0-8289279On n'est pas obligé non plus de tout le temps se marrer, et on peut aussi se taper le dernier roman de Raphaël Jerusalmy. A défaut de vous donner du bon temps, il vous édifiera durablement et vous dérangera comme il se doit. Sujet éternel, éternelle hantise : la monstruosité humaine qui s'est exercée durant la Shoah. En l'occurrence celle des scientifiques nazis ayant trouvé dans la "matière première" humaine fournie par la déportation, des cobayes idéaux pour leurs expérimentations. Le protagoniste principal du livre est un déporté dans le camp alsacien de Struthof, engagé par les officiels du camp pour se livrer au taff le plus horrible qui soit : achever à mains nues les pauvres hères ayant servi pour les expériences médicales des Mengele locaux, tâche dont il s'occupe avec toute l'humanité dont il est capable. Trop torturé par les horreurs auxquelles il assiste tous les jours, il choisit pour s'évader de s'inventer des fictions, des rêves peuplées de géants, de partir dans un monde médiéval. En parallèle, on suit la vie de Saül Berstein, collectionneur d'art juif qui aura le tort de prendre trop tard conscience du danger et qui se retrouvera le temps de quelques instants en compagnie de notre bourreau malgré lui. Ces trois pistes parallèles (le déporté, l'histoire rêvée, le destin de Berstein), d'abord séparées, finiront donc par fusionner en un triste climax.

On connaît la chanson depuis que la littérature s'est emparée de cette page de l'Histoire : difficile de faire autrement que de livrer de longues pages effarées et humanistes, pour témoigner et se souvenir. Jerusalmy fait la même chose. On ne saurait le lui reprocher. Son livre est digne et bien écrit, rempli de tourments et de violence, d'une tendresse folle pour son personnage, d'une force vraiment éprouvante quand il plonge au cœur de l'enfer. On traverse une nouvelle fois les mille et une tortures infligées à l'homme par l'homme à cette époque, on pleure de nouveau devant ces wagons remplis de cadavres, devant ces tris de prisonniers, devant ces vies brisées, devant cette violence  insoutenable. Difficile donc de critiquer la chose, tant elle est sincère, tant elle apporte, avec sa modestie et sa petitesse, une minuscule pierre au grand devoir de mémoire. Jerusalmy n'a que le seul tort d'arriver après tous les autres. On a l'impression d'avoir déjà lu mille fois ce type de témoignage, ce catalogue de sévices, cette narration de déportation. Je ne dis pas qu'il n'est pas sain d'y revenir périodiquement, de ne jamais épuiser le sujet. Mais tel quel, ce petit livre apparaît comme une goutte d'eau dans l'immense océan de documentation, d'essais, de romans, de témoignages, sans y ajouter quoi que ce soit. Même côté "évasion dans la fiction", on a l'impression d'avoir déjà lu ce témoignage, chez London notamment. Alors pourquoi un tel bouquin après Kertesz, après Levi, après Kolinka, après Wiesel, après les 32000 déjà écrits sur le sujet ? Digne et noble, bien sûr, mais un peu redondant aussi, force est de le reconnaître...

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