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2 avril 2022

Zoo de Frederick Wiseman - 1992

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On n'ose imaginer un film d'horreur filmé par Wiseman : ce serait le machin le plus gore de la chrétienté. On aborde ce Zoo avec la candeur de l'agneau, convaincu qu'on va avoir droit à un petit tour chez les lions et les porcs-épics, apaisé et coloré, avec de temps en temps comme le bougre en a l'habitude, une petite scène au bureau de l'administration ou dans les cuisines, et puis emballé c'est pesé. On se retrouve 2h15 plus tard lessivé par un film d'une violence totale, éprouvant comme aucun docu de Wiseman ne l'avait été depuis Primate. Un accouchement de rhinocéros suivi de l'autopsie du petit mort-né, le déjeuner d'une sorte de gros lézard dégueu qui engouffre des poussins comme des crackers, la castration d'un loup, le dégommage d'une meute de chiens sauvages à la carabine, une séance de dentiste pour un gorille, un serpent gros comme ma cuisse qui avale un lapereau vivant, c'est un festival de scènes vomitives. Et bien entendu, filmées dans la longueur et la précision clinique : le cinéma de Wiseman n'aime pas beaucoup occulter les choses, et vous aurez après vision de Zoo toute la méthode pour castrer votre chien sans problème si l'envie vous en prend. En tout cas, le film est une longue suite de souffrance animale exercée à son encontre par son frère humain, qui semble n'avoir qu'une idée en tête : asservir la bête, lui enlever tout aspect sauvage pour le domestiquer, et opérer lui-même le mouvement inverse, et devenir animal. Vous vous attendiez à un documentaire tout mimi à regarder avec votre bambin ? Remballez le pop-corn et bienvenue en enfer.

Sans titre

Wiseman a eu la chance de tomber sur des séquences qui, toutes, tendent à montrer la tentative de domination de l'animal par l'homme. Depuis cette triste scène de spectacle d'éléphants, qui lèvent la patte ou bougent la trompe aux ordres d'une virulente blondasse pour quelques spectateurs rigolards, jusqu'à cette traque de chiens sauvages qui se sont introduits dans le zoo et y ont tué quelques daims, l'histoire du rapports entre hommes et bêtes est celle de la domestication dans la violence. On rogne les dents, on leur apprend à oublier leurs instincts de chasseurs en leur servant un repas tout prêt, on s'adresse aux singes comme une mère grondeuse, on imite en rigolant la balourdise de l'ours ou du gorille... Tout est fait pour ramener l'animal à la hauteur de l'homme. Et dans un mouvement inverse, celui-ci est montré tuant, dominant, disséquant, malmenant, en fait de retour à la vie sauvage. Ce double mouvement inverse est très puissant dans la dramaturgie du film, et le rend à la fois infernal et triste à mourir. Même s'il comporte ses respirations (et je vous jure que quand on voit poindre un perroquet, on respire), on traverse de sacrées épreuves à regarder ces pauvres bestioles manipulées par les hommes, et on se retrouve à 3000 km des films habituels sur le sujet, souvent angéliques (oh le beau tigre, hihi le chimpanzé !). Wiseman va même jusqu'à inclure dans son film une séquence qui se moque des documentaristes animaliers : une équipe filme un fauve enfermé dans son enclos et dispose deux trois fougères devant pour faire croire à la véracité de ce qu'ils filment, c'est pathétique. Zoo, découpé comme à l'ordinaire en longues séquences qui prennent leur temps pour montrer les choses et pour que le public puisse en déduire des idées, filmé comme d'habitude à la fois au plus près des choses et avec la distance du témoin objectif, est une nouvelle preuve du génie wisemanien, qui sait toujours induire tout en ne faisant que montrer.

tout Wiseman : clique

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