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25 mars 2022

LIVRE : L'Apparence du Vivant de Charlotte Bourlard - 2022

9782360841431,0-8065184Il envoie du bois, le premier roman de Charlotte Bourlard, malheureusement plus du côté du scénario que de l'écriture, mais il envoie du bois. La dame semble cacher sous le joli minois qu'elle affiche en quatrième de couverture des élans morbides et trash tout à fait réconfortants pour l'amateur de sensations fortes en littérature que je suis. Elle parvient même à me déranger assez durablement, ce qui est rare, et même si on tique parfois devant la lourdeur du style, devant le manque de mesures de la trame, devant quelques gros sabots qu'elle sort parfois de dessous sa jupe, on ne peut que la féliciter de nous donner à voir ainsi le cloaque de la vie, de lever le voile sur les déviances humaines. L'héroïne du roman est une jeune photographe engagée comme aide à domicile chez les Martin, couple de petits vieux anciens propriétaires d'un funérarium. Dans le décor gothique très marqué "épouvante des années 30" de cette morgue labyrinthique, la belle va se rendre indispensable au couple, puisque sa dévotion va jusqu'à partager leur passion pour la taxidermie et la fabrication de chimères empaillées. Poussant toujours plus loin leur talent pour icelles, ce clan infernal va peu à peu mêler à ses opérations un goût marqué pour l'assassinat de petits chiots ou de cygnes, puis, vous savez ce que c'est, d'êtres humains en chair, en os, et bientôt en paille et moulages plastiques. Le lecteur, accompagné par l'espèce de douceur de vivre joyeuse et apaisée qui émane de cette relation barrée, va éprouver physiquement la descente aux enfers à laquelle nous donne à assister cet affreux livre. Les descriptions de dépeçages de corps, scientifiques et précises jusqu'au clinique, suffiraient à notre effroi ; mais ce serait oublier de relever l'espèce de bonheur dégagé par le duo narratrice/Mme Martin, qui assouvit sa passion macabre en toute impunité dans les rues de la ville, mêle les pulsions morbides et le sexe débridé, cultive un goût pour le désuet aristocratique et en même temps vous débite des carcasses comme s'il s'agissait de faire une tarte aux pêches.

On commence le roman innocemment, et puis 100 pages plus loin, on se rend compte qu'on est pris dans une mélasse assez repoussante sans qu'on puisse dire exactement quand Bourlard est parvenue à nous prendre dans ses filets. Habile donc, la bougresse, qui parvient à vous mettre tranquillement mal à l'aise dans votre fauteuil, tout en faisant mine de nous raconter des farces de collégiens : le côté Pieds Nickelés des sorties de Mme Martin, trainée dans une brouette ou portée sur le dos, les coups pendables qu'elles exercent sur les uns et les autres, la légèreté enfantine des deux personnages, tout ça contraste puissamment avec la finalité de leurs sorties : trouver de la peau. Dommage du coup que l'écriture ne soit pas à la hauteur de la trame assez puissante ; Bourlard écrit sec, à l'os comme on dit quand on veut être sympa, platement comme on dit quand on veut l'être moins, et cette écriture très fonctionnelle, très sujet-verbe-complément, enlève l'aspect sorcellerie induit par la trame. On aurait aimé que cette histoire de résurrection soit portée par un style plus flamboyant, plus invocateur, pour augmenter encore le malaise. Tel quel, elle enlève un peu le pouvoir dérangeant de la trame ; et du coup, Bourlard n'a pas toujours la main légère pour la développer, ajoutant ici une louche de trop, là un effet inutile à la limite de la complaisance. Prometteur, hein je dis pas, mais peut faire mieux...

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