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12 mars 2022

Les Amants passionnés (The Passionate Friends) de David Lean - 1949

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Si vous êtes d'humeur sentimentale et qu'un brin de bluette ne vous fait pas peur, je ne peux que vous conseiller ce splendide mélodrame romantique qu'est The Passionate Friends. Parce que, à partir d'un scénario usé et surfait qui ne dépareillerait pas dans une collection Harlequin de bas-étage (et c'est pourtant H.G. Wells l'auteur de l'histoire originale), Lean réussit un splendide film de mise en scène, et parvient à doper complètement les conventions de l'intrigue par un sens visuel imparable. On finit par oublier qu'on est dans le vaudeville le plus tarte pour ne plus s'intéresser qu'à l'intensité des sentiments, la beauté des relations entre les personnages. Il fallait le faire sur un pitch aussi conventionnel : Mary et Steven s'aiment depuis toujours mais leur passion n'a jamais pu se concrétiser, puisqu'elle est mariée à un riche bourgeois possessif et qu'elle a beaucoup de mal à le quitter pour tenter la vie de bohème avec notre ami. Ainsi au gré des rencontres hasardeuses qui sont proposées au couple impossible, l'amour ne cesse de se dérober à eux, malgré qu'ils en aient. C'est comme si la vie, cette chienne, ne cessait de réorganiser leur rencontre pour les tenter à nouveau et à nouveau les empêcher de s'aimer. Si bien que notre pauvre Mary va devoir se poser la question qui fâche : les amours de jeunesse ne sont-elles pas destinées à demeurer dans le passé ? Il faudra moult remous du cœur avant d'arriver à cette conclusion tristounette, ainsi que moult hésitations sentimentales, moult scènes de ménage pénibles et moult retournements de situations.

Sans titregggggg

Dans le rôle de Mary, l'intense Ann Todd ; dans celui de Steven, le sémillant Trevor Howard. Ils sont parfaits et portent sur leurs visages toutes les émotions de la terre. Mais c'est comme souvent à l'impeccable Claude Rains qu'ira toute notre admiration : il campe un cocu magnifique, et on peut au gré d'une même scène le trouver odieux et émouvant en diable. L'acteur trouve ici un rôle finalement pas si éloigné de celui de Notorious : l'homme qui possède tout, domine tout le monde mais qui n'arrive pas à se faire aimer. La sobriété de son jeu ici dope des scènes qui auraient pu n'être que banales : comme celle où il surprend sa femme dire adieu à son amant, scène traumatique s'il en est, qu'il aborde avec un flegme tout britannique mais qui ne cache pas son profond désespoir. La sublime scène où il découvre qu'il est cocu, et où il organise un petit stratagème pour en informer sa femme est également parfaite grâce à lui : le montage millimétré de Lean, son subtil jonglage avec les points de vue, la profonde beauté des gros plans sur les objets (on dirait là aussi du Hitch ou du Sirk), les plongées très symboliques sur la femme qui perd pied, tout ça est prolongé par le jeu de Rains, sadique et ravagé par la trahison. Même si on ne comprend pas grand-chose aux tergiversations amoureuses qui assaillent Mary (notamment son attachement à Rains), on suit ces petites palpitations sentimentales comme un thriller. Le film, d'ailleurs, sait utiliser aussi quelques recettes du thriller, comme ce métro qui va peut-être amener la mort, comme ce téléphérique qui s'enfonce dans la brume, comme ces places de théâtre vides qui déclenchent le drame.

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La mise en scène de Lean, supérieurement élégante, est d'une grande beauté. Dans un noir et blanc classique à vous faire mourir de beauté, il organise une symphonie de symboles subtils pour montrer le bonheur du jeune couple ou au contraire sa descente aux enfers. Dans le premier cas, c'est donc ce fameux téléphérique qui monte jusqu'au paradis, cette fête du nouvel an où les deux amants s'observent de loin, ou ce voyage en bateau idyllique ; dans celui du deuxième, c'est un escalier roulant qui enfonce Mary dans les enfers (comme dans Downhill de Hitch), ou ce rideau qui occulte son désespoir de voir partir l'homme qu'elle aime. Lean trouve toujours un équivalent visuel pour décrire les situations, se méfiant comme de la peste des dialogues trop explicatifs ou trop illustratifs. On lui en sait gré, même s'il se montre tout aussi habile pour doper ses dialogues (rhhaaaa l'aveu de Claude Rains sur la fin, mazette, ça c'est de l'écriture). Un bien beau film de mise en scène classique, assez génial visuellement, vraiment on aime.

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