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10 mars 2022

Vous ne désirez que moi (2022) de Claire Simon

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Claire Simon prend un sujet pour le moins ardu : celui de filmer le gars Yann Andréa (compagnon de la vieille Margo jusqu'à sa mort) se confiant sur ses rapports avec cette dictatrice-écrivaine... dont il était/est amoureux, et passionnée et elle aussi, hein... mais avec laquelle, soyons lucide, les relations furent pour le moins tendues. La preuve, le Yann, peu de temps avant cette interview, ne cacha point son envie de se suicider tant les rapports avec Duras étaient devenus compliqués (genre "I can't live with ou without you"). Elle le traite comme une merde mais il y revient... parce que voilà... Il adule son écriture, ils baisent comme des jeunots (ils ont deux siècles de différence d'âge), il est/fut homosexuel, il est son serviteur, s'aiment-ils, alors ??? Simon choisit un dispositif a minima, une journaliste (Emmanuelle Devos, toujours franchement exceptionnelle même quand elle n'a pour le coup pas grand-chose à jouer), un Andréa (Swann Arlaud, tout en contrition), et une caméra qui vaque le plus souvent de l'un à l'autre pour ne pas casser la tension et le rythme de l'entretien. Il parle, parle, parle, elle écoute, patiemment, et le relance au besoin avec quelques petites remarques pointues... On aura droit comme simples intermèdes à des extraits de la grenouille Duras (pas à son avantage avec son col roulé-niqab et son ton agressif) et à des aquarelles mettant en scènes les acrobaties sexuelles de Swann-Margot - histoire de garder en tête la personnalité (forte... dominatrice...) de la Duras et les liens, malgré les mots, et les maux, qu'ils entretenaient. Le moins qu'on puisse dire c'est que le pauvre Yann semble au bout de sa vie : après avoir conté, avec un certain romantisme, les conditions de la rencontre, le temps (long, très long) qui dut s'écouler avant un premier face-à-face, il déverse tout ce qu'il dut, tout ce qu'il doit subir de la part de la maîtresse-femme Duras, qui le domine, le manipule et avec laquelle il ne parvient pas à rompre les fils qui les lient... C'est dur d'assister à une telle dévotion de sa part (un amour d'abord pour les écrits puis pour le personnage) et de voir à quel point le gars Yann, au quotidien, en chie. Le mépris de Duras pour son homosexualité, le mépris de Duras envers sa personne, le mépris de Duras par rapport à son comportement... On sent que si cette relation est une relation amoureuse, elle est pour le moins vache... Mais c'est là sûrement tout l'intérêt du film que de montrer à la fois ce lien "littéraire" entre les deux, sacré en un sens, et les rapports quasi sado-masochistes qui en découlent... Ce dont Andréa a pleinement conscience, mais une situation dont il ne parvient en aucun cas pas à s'extraire... Une situation amoureuse aux allures un rien sordides mais qui est narrée ici dans un grand calme, avec une grande sérénité, avec une évidente lucidité, à l'image de ces plans où la caméra va d'un regard à l'autre de l'interviewé un brin effrayé par ses propres propos à l'intervieweuse un tantinet interloquée quant à cette soumission - ce qui ne l'empêche pas de creuser, de toujours chercher à aller au "coeur" de cette relation particulière. Un bel éclairage sur cet amour littéraire pour le moins trouble très joliment éclairé, justement, par Simon et interprété avec dévotion par deux comédiens (surtout Devos, j'insiste) sur le fil.

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