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3 mars 2022

Le Cycliste (بای سيکل ران) de Mohsen Makhmalbaf - 1987

cyc3

Pas simple, pas simple, la vie en Iran, surtout si vous êtes un peu pauvre, pas éduqué, et si votre seul talent réside dans votre capacité à tenir sur un vélo. Nasim, brave péquenaud, va en faire l'amère expérience. Pour pouvoir soigner son épouse hospitalisée, le bougre convient avec un agent un peu cheulou d'un pari pour le moins intrépide : rouler sur une vieille bicyclette sans poser le pied à terre pendant 7 jours. Au terme de cette semaine, et si les calculs de l'agent sont bons, la gloire, l'argent des paris, le pourcentage pris sur les marchands ambulants, les produits dérivés, la manne des mécènes, la starisation de Nasim, devrait lui rapporter un paquet de piastres. Voilà donc notre brave type, épaulé par son fiston, luttant contre le sommeil, les intempéries, le tumulte des fans et des "anti", les malversations et les tricheries des parieurs, pédalant comme un malheureux façon On achève bien les chevaux, sur fond de société iranienne rongée par les injustices et la vénalité.

The Cyclist (6)

Makhmalbaf ne cache absolument pas l'allégorie christique qu'il voit dans cette petite histoire : Nasim, peu à peu, par son sacrifice un peu vain, devient une véritable icône, regroupant auprès de lui fidèles et disciples alors même qu'il n'est porteur d'aucun discours, s'attirant également les rancunes des marchands du temple et des plus profiteurs de ses semblables. Le Cycliste prend plus souvent qu'à son tour des allures d'épopée dans un verre d'eau, le chemin de croix de son héros se concentrant sur  un tout petit cercle que le bougre effectue inlassablement, en silence. Autour de lui, le monde s'agite de plus en plus, tout un marché s'organise autour de son exploit, mais lui ne voit que la guérison de sa femme liée à son vélo. C'est un très joli personnage que Makhmalbaf nous propose ici, un bienheureux un peu simplet que la société va exploiter jusqu'à la lie, et ses complices (son fils, sorte de Ninetto Davoli espiègle, la petite copine de celui-ci, son pote qui prendra en secret sa place durant une nuit) forment une belle bande de prolos solidaires et purs. Face à ce groupe, le cinéaste dessine avec humour et amertume toute une équipée de fâcheux, et se livre à un joli jeu de massacre coloré et enlevé : il s'agit de sacrifier l'innocence, mais de le faire avec énergie et ironie, et tous ces profiteurs constituent une magnifique brochettes de connards tous plus drôles les uns que les autres. Entre mafieux du dimanche, bourgeois parieurs se prenant au jeu, arbitres suants et organisateurs sans limite, on rigole pas mal à ce film surprenant, qui parvient à faire de la politique en restant dans 10 mètres-carré et avec une minuscule histoire. Touchant, enlevé, drôle, dépaysant, bien bien.

THE CYCLIST by Mohsen Makhmalbaf

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