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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
4 avril 2022

Rien à Foutre d'Emmanuel Marre et Julie Lecoustre - 2022

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On surfe gentiment sur le cinéma mollement indigné de Marre et Lecoustre avec ce petit film certes pas désagréable, qui met en scène le monde cruel et sans pitié du travail moderne. C'est dans les rangs des hôtesses de l'air des compagnies low-cost que les deux cinéastes ont posé leur caméra, s'attachant particulièrement à l'une d'elles, Cassandre (Adèle Exarchopoulos), jeune fille un peu paumée prise dans un monde qui va trop vite pour elle. Tout en empathie discrète, les cinéastes suivent les deux aspects de sa vie, avec des bonheurs inégaux : d'une part ses galères de travail, qui se traduisent par une course au rendement intenable, par un manque de respect qui confine au mépris, par des horaires à rendre fou, par des règles strictes que la demoiselle va devoir payer quand elle ne les respectera pas, bref par une chiennerie de monde du travail capitalistico-moderne qui te vous spolie la jeune Cassandre façon chair à canon. De l'autre, la vie privée de la belle, qui découle de son travail : absence de relations amoureuses durables, manque de contact humain, abandon progressif de sa famille, alcoolisme et j'en passe.

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On apprécie beaucoup plus le premier volet que le second, qui s'avère à la longue inutile et ennuyeux, redondant et surfait. Les trop longues séquences de Cassandre avec son père, que Marre et Lecoustre voudraient chargées de tendresse et de non-dit, finissent par être tellement insignifiantes, que le jeu d'Exarchopoulos en devient très scolaire, très appliqué. Je ne sais pas où elle a été pêcher ce jeu un peu adolescent, mais la belle a tout de même 27 ans, il faudrait qu'elle sorte de ses rôles de gamine. Toute la partie "intime" est  ratée d'ailleurs, que ce soit le portrait d'une femme qui cherche de quoi se détendre sur Tinder, ou celui de son amitié cabossée avec un gars de passage. On voit bien que le projet est plus finalement de scruter les relations sociales d'une femme prise dans l'uberisation du monde que de s'indigner contre Ryan-Air ; mais la louche est trop chargée, les acteurs pas tout à fait à la hauteur et l’écriture beaucoup trop répétitive pour parvenir à ces fins. On se rabattra donc sur la description précise, quasi-documentaire, des conditions de vie de ces hôtesses de l'air, et là j'avoue que c'est beaucoup plus convaincant. Le duo de réalisateurs a très bien su prévoir une montée des frustrations et privations subies par Cassandre, et nous fait sentir concrètement la spirale d'acceptation mise en place, faite de petites mesquineries, de trahisons, de renoncements... Marre et Lecoustre savent distiller la comédie dans le drame, ne fermant pas le drame social sur lui-même comme le font souvent leurs collègues en poing levé : on aime que le monde du travail soit regardé comme un enfer kafkaïen, mais qu'il soit aussi teinté d'absurde et de pathétique. Cette partie-là, la plus importante du film, est assez attachante et permet de sortir de la salle plutôt satisfait. Dernier point et non des moindres : puis-je suggérer à Antoine Bailly, ingénieur son sur le film, de passer au tricot ? On ne comprend strictement rien aux dialogues du film, et entre la diction à l'envi des comédiens et les bruits parasites qui les recouvrent, on se croirait dans un Doillon. (Gols 02/03/22)

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Alors oui, sans être non plus pris dans un rythme tourbillonnant (les deux cinéastes ayant du mal à savoir couper quand il le faut certaines scènes qui s'étirent, s'étalent...), on n'avait rien contre le fait d'être les témoins de ce monde du travail où l'employée est juste another brick in the wall. Cassandre, relativement malléable, subit sans trop de casse (en surface) ces conditions de travail, devant parfois subir humilitations d'un chef, remontrances d'un supérieur, menace d'un connard hiérarchique ; mais elle s'oublie dans la fête et dans l'abus de ces petites fioles que ces enfoirées de compagnies aériennes ne vous livrent qu'avec parcimonie. C'est une vie un peu larvaire, où l'amour se limite à des rendez-vous tinder de deux heures, une vie un peu à la con professionnellement (mais on bouge...) et personnellement (mais on baise dans l'insouciance du lendemain). Nos deux cinéastes auraient pu en effet s'en tenir à cet axe et montrer frontalement ce petit monde du travail moderne tout en faux sourire et en exploitation de l'homme par l'homme (par écran interposé, c'est ça dorénavant la modernité - mais la violence reste la même). Seulement voilà, Cassandre, décide parfois de rentrer chez elle et on se demande nom de Dieu ce qui s'est passé dans la tête des deux réalisteurs pour développer à outrance toutes ces scènes chiantes comme une fontaine à Givry. Au début, on se dit que cela va juste un peu permettre à notre Cassandre de souffler, de prendre du recul... seulement voilà, on s'enfonce façon sable mouvant dans cette direction et le film perd de son intérêt, de sa force (putain, franchement, cette césarienne, c'était utile qu'on en parle ?). Comme si les deux cinéastes n'étaient plus très sûrs du bien fondé de leur propos, du thème principal de leur film ; le film s'écrase comme un... Comme. On reste franchement sur sa faim, tant l'on sentait une certaine capacité à parvenir à capter sur le vif cette vie professionnelle faite de brimades que l'on se doit oublier dans la foulée pour continuer son petit chemin de croix. Dommage, cette soudaine pénurie de fuel dans un film qui avait assez bien décollé. (Shang 04/04/22)

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