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19 février 2022

Une seconde Mère (Que Horas Ela Volta ?) d'Anna Muylaert - 2015

Sans titre

D'une pierre deux coups, Anna Muylaert réalise en un seul film plusieurs films, tous très plaisants et intelligents. Les rapports difficiles d'une mère avec sa fille, la lutte des classes, le choc des générations, une comédie, un mélodrame, un film politique, il y a un peu de tout ça dans Une seconde Mère, et tout est amené avec douceur et tendresse, ce qui n'enlève rien. Muylaert n'est pas une rebelle qui s'avance poing levé ; tout en n'ayant pas la langue dans sa poche, elle fait de la politique discrètement, en prenant toujours soin de raconter une histoire avant tout, de regarder ses beaux acteurs et de travailler sur les sentiments. Le film est d'abord un portrait de femme dans le Brésil en train de s'émanciper socialement des années 2010 : Val, domestique à Sao Paulo, chez une famille bourgeoise "de gauche", entendez qu'elle est très bien traitée, considérée comme faisant partie de la famille et même comme une mère de substitution pour Fabinho, le fils adolescent. Dévouée, attachante, toute de tendresse, ne ménageant ni son temps ni son confort pour satisfaire ses maîtres, elle est pourtant hantée par une fille qu'elle a laissée en garde il y a 10 ans et qu'elle n'a jamais revue. Or, voilà que la demoiselle débarque en ville pour y suivre des études d'architecture. Et cette arrivée va bouleverser tout le monde : la petite est en effet bien émancipée, elle ne reconnaît pas l'autorité de cette famille sur sa mère, et vient bousculer les convictions et la servitude de Val. Père amoureux comme aux premiers jours, fils attiré par cette jeune femme libre, mère jalouse de sa main-mise sur la famille, les sentiments valsent, et sous le soleil de Sao Paulo, les barrières sociales semblent ne plus tenir à grand chose. Au milieu, la bonne et servile Val se trouve confrontée à des questions harcelantes : est-on encore à l'heure de la servitude, ou n'est-ce pas l'heure de se libérer du joug ?

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On rigole bien au départ de la tendresse très attachante qui se dégage de cette bonne femme haute en couleurs, complètement au service de cette famille. La comédienne Regina Casé, avec son surjeu presque italien et son naturel irrésistible, fait beaucoup pour faire exister un personnage désuet, tendre et très joli. Le film regorge de petits détails qui en disent long sur sa condition (d'un service à café marqueur de niveau social...), la famille bourgeoise est également très bien campée dans ses archétypes, dans sa reconnaissance sucrée envers cette bonne dévouée, et on croit dur comme fer à cette bonne femme toute de câlineries maternelles. Le milieu social apparait très finement décrit, on sent sans le dire tout le poids de la bourgeoise parvenue sur le prolo de base. Quand Jessica débarque, les choses changent subtilement, et on assiste à la confrontation entre une mère encore rivée à l'ancien monde et sa fille moderne et libérée, et à la fois à un discours sur la métamorphose du monde et des vieux schémas de domination. Le film se fait plus grave, même si on est toujours dans la lumière du Brésil, dans l'humour du jeu, dans l’agréable déroulé d'un scénario doux-amer. Et il ira ainsi jusqu'à la fin, jonglant avec habileté entre scènes émouvantes, comédies, et drames feutrés. Trop long d'un quart d'heure (la fin détruit bêtement le joli équilibre mis en place), pas dépourvu de cadres tarabiscotés inutiles (une plongée à 45° qui tombe comme un cheveu sur la soupe), Une seconde Mère est pourtant un joli moment d'humanité, le portrait irrésistible d'une prolétaire au grand cœur, et un film doucement politique. J'aime.

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