Chan is Missing (1982) de Wayne Wang

Septième Wang dans la colonne de nos réalisateurs, l'ami Wayne faisant ici son apparition avec son second film : un budget sans doute un peu fauché mais une réflexion sur le fond qui est loin de l'être ; si le Chinois est un puits de stéréotypes ici et outre-atlantique, Wayne va nous démontrer qu'il est en fait beaucoup plus complexe que cela, voire flou, voire mystérieux... Chan est donc porté absent ce qui est bien dommage pour nos deux sino-protagonistes (un vieux, encore marqué du sceau de son pays, un plus jeune américanisé) qui lui avaient confié de la thune pour obtenir une licence de taxi... Que faire ? La police, hein, on le sait, est inopérante pour enquêter (pour elle, tous les Chinois se ressemblent, alors en retrouver un... voyez ?) et nos bras-cassés vont donc tenter de remonter sa piste... les liens professionnels, familiaux, amicaux sont explorés, exploités et le moins qu'on puisse dire c'est que plus "l'enquête" avance plus la figure de Chan se trouble (un violent, un parano, un faible, un patriote, un assassin, un fourbe, un type honnête ?) : une seule certitude, il demeure introuvable, tout comme l'argent... Des tensions entre nos deux amis chinois se créent mais le plus vieux, plus avisé, attend patiemment son heure - tout finit un jour par se résoudre, seuls le caractère et les actions du Chinois peuvent demeurer, eux, insondables...

Wang, l'air de rien, avec sa petite caméra qui sillonne les rues de San Fransisco en dépit des passants et des regards caméra, trousse un petit film loin d'être bêta sur l'interculturalité. Traitant aussi bien des différences de génération dans la communauté chinoise ou des différences entre Taiwanais et Chinois du continent (les Chinois du Nord et les Chinois du Sud ayant eux-mêmes leurs propres caractéristiques) que des incompréhensions (culturelles, langagières...) entre Ricains et Chinois, cette petite œuvre est une bonne base de réflexion contre les multiples clichés de nos amis les Chinetoques... Oui, l'action tourne un peu en rond, oui Wang réutilise les mêmes lieux (et les mêmes scènes de tournage pense-t-on) en les montant à divers endroits du film comme pour donner un semblant de changements, de diversité, d'alternance, oui les séquences de discussion phagocytent tout espoir de scène d'action (seule la musique, tout d'un coup frénétique, semble vouloir gonfler le suspense, mais cela reste juste pour amuser la galerie), oui. L'intérêt est forcément ailleurs. Ce qui intéresse Wang derrière cette pseudo recherche du gars Chan, ce n'est même pas tant la finalité ni même la recherche elle-même : c'est le fait de montrer que son non-aboutissement est une propre fin en soi - tout n'est pas toujours facilement explicable, logique, facile à comprendre... Chan is missing et semble devoir le rester : il n'est pas homme à devoir être mis facilement en boîte, il n'est pas homme à se voir coller une seule étiquette. Chaque rencontre apporte un nouvel angle sur cet homme et c'est finalement tout à son honneur : il devient ainsi un être mystérieux, aussi difficilement cernable qu'un discours de la gauche sur l'union. Wang trousse une petite œuvre sans esbroufe, toute en pudeur et en décontraction, mais plus maline qu'elle en a l'air quant à cette communauté sino-américaine ou plutôt sino-pseudo-américanisée. Not to be missed, so.