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12 février 2022

Roselyne et les Lions de Jean-Jacques Beineix - 1989

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C'est les yeux pleins de larmes que j'ai attaqué cette re-vision, 33 ans plus tard, de Roselyne et les Lions, puisque le brave Jean-Jacques Beineix est passé de vie à trépas récemment. Bon, c'est vrai que ce n'était pas la seule raison de mes larmes : c'est aussi que, 33 ans plus tard, la douleur est aussi vive de voir ce gros ratage du bougre, après le miracle de 37°2 le Matin. Beineix a bien l'air d'être l'auteur d'un seul film (ou un et demi, disons, il y a des belles choses dans Diva). En tout cas, celui-là accumule les défauts, et tout ce qu'il avait réussi dans son film précédent se transforme ici en gadoue. A commencer par les deux acteurs principaux : certes ils sont jolis comme des cœurs, certes Beineix a fait sa réputation sur la découverte de jeunes talents. Mais là, on est atterrés par le manque de charisme criant de Gérard Sandoz, et par la niaiserie d'Isabelle Pasco, alibi fantasmatique de pépé qui prend la forme d'une poupée blonde qui ne sait pas dire une réplique correctement.

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Beineix place ces deux adolescents dans un contexte qui le passionne visiblement : le cirque, et plus particulièrement la cage aux fauves. Les deux gosses veulent être dompteurs, bon. Ils entreprennent donc un long voyage pour convaincre le grand Koenig, propriétaire du plus grand cirque d'Europe, de leur talent pour dresser les lions et gueuler comme des putois sur des tigres. Ils seront entravés dans leurs efforts par plusieurs obstacles : d'abord leur manque d'expérience, ensuite quelques concurrents à gros biceps, puis des patrons de cirque rigolards, puis un dresseur de tigres dépressif, puis des lions de mauvaise humeur. Mais ils parviendront au bout des 139 minutes de métrage (je répète : 139 minutes) à balancer un numéro électrique et rock'n roll, apogée du style-Beineix dans sa plus dégoulinante expression : ça claque du fouet, ça prend des poses, ça exhibe son string en cuir, ça bousille les piles des machines à fumée, ça passe dans des cerceaux de feu et ça frôle la mort, tout ça dans un festival de couleurs primaires brillantes, devant le regard ébahi et confondu de remords de tous ceux qui n'ont pas cru en eux. Côté complice, ils pourront compter sur le brave professeur d'anglais, joué par un Phiippe Clévenot en roue libre, seul petit intérêt du film (ce type est un film à lui tout seul).

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Comme je disais, tout est tellement raté qu'on est très vite un peu gêné par l'évident enthousiasme avec lequel notre Jean-Jacques filme tout ça. Les acteurs donc, et pas seulement les premiers rôles, mais aussi tous ces personnages fantaisistes et lunaires qui les entourent : de Gabriel Monnet en petit dompteur de zoo, caricatural, à Jacques le Carpentier, sorte d'ersatz du Darmon de 37°2 mais sans le talent, de Günter Meisner, engagé évidemment pour sa ressemblance avec Hitler car il est bien connu que tous les Allemands ressemblent à Hitler, à cette pauvre Carol Fredericks aussi expressive qu'une truite cendrée, les yeux piquent pas mal. Mais le désastre ne vient pas seulement d'eux. On sent bien que Beineix voudrait renouveler l'exploit de 37°2, retrouver quelque chose d'à la fois absurde et romantique, drôle et spectaculaire ; mais ses dialogues tombent à plat, peu naturels, forcés, et on dirait très souvent qu'on est dans un film pour enfants, avec ces personnages cartoonesques et ces situations aussi tendues qu'une aventure du Club des Cinq. Toutes les scènes de dressage se veulent des surenchères dans la virtuosité pyrotechnique, alors qu'on a bien l'impression d'être plutôt dans un clip un peu ringard pour Indochine (ce que la musique de Reinhardt Wagner, immonde, vient confirmer). Et puis le film avance sur une espèce de faux rythme, complètement déstructuré (des difficultés au tournage ?) et mal fagoté au niveau du montage (j'ai pourtant sagement regardé la version "director's cut"). Bah, à part quelques répliques de temps en temps, et Clévenot donc, je n'ai que du mal à dire de ce long clip ennuyeux et mal joué, ringard et maladroit.

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Commentaires
S
Je n'aurai quand même pas perdu mon temps. J'ai enfin pu mettre un visage (celui de Phiippe Clévenot) sur cette voix envoûtante dans le sublime et très marginal numéro d'Un siècle d'écrivains consacré à Burroughs. Et découvert un Gilles Deleuze en dresseur de concepts s'immolant devant leur cage.
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