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4 février 2022

The Beatles : Get Back de Peter Jackson - 2021

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Les enfants, si la musique des Beatles signifie encore quelque chose pour vous, je vous suggère de dévorer façon friandise ce formidable film, qui vous donnera l'occasion d'imaginer, le temps des 7h45 de la projection, que vous côtoyez vos idoles, et même que vous touchez de très près ce qui fait l'essence de leur génie. On les choppe pourtant ici en pleine crise : des tensions au sein du quatuor, des envies d'indépendance, quelques susceptibilités froissées, des caractères qui éclatent, et voilà nos Fab Four à deux doigts de la séparation pure et simple. Avant la rupture avérée, qui aura lieu quelques mois plus tard, nos petits génies s'enferment durant un mois dans un studio pour y enregistrer leur chant du cygne (et chef-d’œuvre, ceci dit sans être un fanatique des Beatles) : l'album Let it be, avec à la clé également un projet fumeux comme ils en ont l'habitude : un concert impromptu, de préférence dans un lieu inattendu. La série (puisque la chose est diffusé en trois épisodes) joue agréablement sur le suspense de ce compte-à-rebours : parvenir en aussi peu de temps à retrouver la cohésion du groupe, à pondre une douzaine de chansons, et à trouver un lieu pour le concert. C'est un travail de dingue, d'autant que nos garçons ont une légère tendance à prendre la tangente, faire la grasse matinée ou passer leurs journées à jouer des classiques du blues, plutôt que de bosser sur leurs propres créations. On est littéralement enfermés avec eux, dans ce studio, au milieu de leur cercle intime à peine brisé par quelques visiteurs (et la présence pesante de Yoko Ono, toujours accrochée à Lennon). Et on assiste sidéré à la patiente naissance de tubes éternels, comme "Let it be", "Get back', "I've got a Feeling" ou "The long and winding Road".

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Rarement on a eu l'impression de toucher d'aussi près l'essence de la création musicale, surtout sur des chansons aussi connues. Par l'ajout hyper minutieux d'une note, d'une façon de chanter, d'un mot, les quatre garçons créent peu à peu ce son inimitable qu'ils ont inventé. C'est ce qui s'appelle le génie. Franchement, que dire de plus quand on écoute ces mélodies prodigieuses qu'ils savent créer en quelques secondes, et le prodigieux travail d'affinement auquel ils se livrent ensuite ? A ce jeu, c'est le laborieux Paul McCartney qui s'en tire le mieux : toujours là, il est concentré sur la musique, et invente la plupart de ces chansons. Justement, sa forte présence est à l'origine de toutes ces petites tensions, qui sont désormais entrées dans l'Histoire du rock, mais auxquelles on assiste ici en direct : John Lennon, dissipé, sibyllin, rebelle, légèrement ironique, et surtout obsédé par Yoko, lui oppose un dilettantisme provocateur ; Ringo Star, impassible et passif, ne met pas son grain de sel dans la création, et se laisse vivre ; et George Harrison surtout, le cérébral du groupe, montre clairement son ras-le-bol de voir ses créations écartées par le groupe et McCartney chercher à devenir le chef. Il ira même jusqu'à déserter le studio pendant quelques jours, et le sauvetage des Beatles opéré par les trois autres, qui se rendent compte subitement de leur possible fin, est magnifique à regarder : des potes, oui, mais qui ont désormais d'autres envies, des goûts différents, des amours, des ambitions...

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... mais des potes qui parviennent quand même à fabriquer ensemble une musique, et nom d'une tomate, quelle musique ! Le film nous montre dans la longueur le travail fabuleux des gusses, la façon dont une chanson s'écrit, la nécessité parfois de passer par 12000 autres titres avant de mettre la main sur un tube. Parfois, un des Beatles arrive le matin avec une mélodie, et boum, on sent (et on sait, avec le recul) que c'est la bonne. Parfois, il faut aller chercher pendant des jours et des jours ce qui manque à un morceau pour qu'il soit historique. Mine de rien, les quatre continuent à jouer ensemble, la complicité artistique est évidente. Si McCartney attaque un morceau du répertoire, les autres reprennent en deux secondes, y compris d’ailleurs, et c'est touchant, sur leurs premières chansons de jeunesse ; si Lennon balance une vanne, les autres se marrent comme des baleines. Peu à peu, malgré la sorte d'amateurisme bon enfant, un album se crée, qui sera finalisé durant le concert mythique, sur le toit du studio, dernière apparition des Beatles ensemble. Celui-ci est vraiment drôle, avec ces flics retenus pendant de longues minutes en bas sous tous les prétextes pendant qu'en haut le groupe hurle ses morceaux devant un public effaré, c'est magnifique d'effronterie et de liberté. Très marrant aussi d'assister au défilé de visiteurs, les uns tellement à l'aise qu'ils finiront sur l'album (le pianiste Billy Preston, qui, dès ses premières notes, illumine le visage de Lennon), d'autres tellement mal à l'aise qu'ils s'éclipseront vite fait (Peter Sellers, qui se demande bien ce qu'il fout là). Et marrant tout de go de voir la nombreuse équipe qui s'agite autour du quatuor, fourmilière mise au service du groupe, alors que celui-ci traite tout ça avec un flegme tout britannique. La date fatidique approche, mais les garçons continuent de s'amuser comme des fous sans s'inquiéter, et finiront par pondre ce disque historique. Moi je dis respect. Peter Jackson a récupéré là des archives (filmées à l'époque par Michael Lyndsay-Hogg) et les a montées avec une admiration immense pour les Beatles, un respect infini pour leur travail, et une grande attention à ce qui fait la musique et la cohésion d'un groupe : un trésor retrouvé qu'il dope encore par un montage parfait. Un grand moment.

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