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11 janvier 2022

Le Désert rouge (Il deserto rosso) (1964) de Michelangelo Antonioni

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Antonioni, hein, tout de même, on pourra me bassiner avec des auteurs contemporains qui font des jolis cadres et patati, mais là, hein, le mariage des couleurs, la précision de chaque plan pour inscrire son personnage principal dans un décor, dans un paysage d'usine, de brouillard, cette façon si précise de rythmer nonchalamment chaque séquence, bref tout cela, a-t-on vraiment fait mieux depuis Michelangelo ? Je pose naïvement la question d'autant qu'ici, admettons, oui, le rythme est lent, le scénario est flou, l'action plus rare que dans la vie d'une limace mais on reste scotché de bout en bout devant ce personnage de Monica Vitti, perdue, tout en questionnement, en doute, en errance sans doute autant intérieur qu'à l'extérieur... De l'extérieur, on perçoit justement ces bâtiments industriels, ces fumées qui se fondent dans un paysage pastel, souffreteux, ce brouillard infernal de bord de mer qui envahit l'image, comme si tout cela, d'une façon ou d'une autre pouvait traduire les états d'âme vaporeux, indécis, instables d'une Monica dont l'esprit semble lui-même perdu dans la brume... Un enfant qu'elle ne comprend pas toujours, un mari qui ne la regarde plus guère, des amis frivoles dont les éclats de rire semblent traduire le manque d'esprit, un amant potentiel qui lui tourne mais dont elle peine à connaître franchement les motivations, et puis des désirs, celui de partir, peut-être, celui de faire l'amour, sans doute, celui de comprendre où toute cette vie putain nous mène, mais des désirs qui restent en suspend comme si tout cela devait forcément finir par se diluer dans ce paysage envahi par la grisaille.

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Ce qui est sûrement le plus beau ici c'est que l'esthétique de la chose finit par nous transmettre tout le fond de l'histoire, tout le fond des pensées troublées de Monica. Oui ce paysage moderne, industriel, ces terres fumantes, ces fumées toxiques qui pourrissent le ciel, pourrissent les terres, pourrissent les eaux, sont guère ragoutants en soi mais ils ne sont pas forcément responsables de cette perte de repère de Monica : ils sont juste un peu comme elle, abîmés, perturbés, en friche, évanescents, à l'image de cette machine humaine qui ne sait plus trop ce qu'elle recherche... Il y a encore, comme dans cette fabuleuse scène en huis-clos, entre amis, dans cette petite cabane de pêcheurs qui tombe en ruines, des tentations, des envies, des attractions entre ces bourgeois qui se tournent autour, se vautrent les uns sur les autres, s'observent avec concupiscence mais là encore tout cela ne débouche sur pas grand-chose, si ce n'est  sur un quai où la brume va littéralement phagocyter ces personnages, ces espèces de pions, immobiles, impuissants, inconsistants... Monica continuera ses errances, nous emmenera dans un conte, dans une histoire idyllique (du sable rose, une mer transparente, une jeune adolescente nubile en quête... d'un bâteau, d'une voix mélodieuse) où le mystère aura une nouvelle fois le dernier mot, ira dans les bras de cet amant sans y trouver véritablement une quelconque satisfaction, errera sur les quais, puis se promènera avec son gosse là où le film a commencé, en constatant que les oiseaux ont eux-mêmes quitté ce paysage néfaste - ils ont au moins compris qu'ils n'avaient plus leur place ici : a-t-elle quant à elle véritablement progresser sur le sens à donner à sa vie... Rien n'est moins sûr... Une oeuvre toujours aussi troublante, artistiquement fabuleuse, qui nous emmène à chaque vision dans les limbes du doute - divinement antonionesque. Pas mieux.

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Tutti 'Tonioni

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