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6 janvier 2022

Un Héros (قهرمان) d'Asghar Farhadi - 2021

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Le système-Farhadi accuse ici quelques grincements aux entournures, et on commence à voir les structures de ses films avant même qu'il ne les dévoile de lui-même. Comme ici, en plus, il n'arrive pas à retrouver les qualités qui faisaient la grandeur de son cinéma (la direction d'acteurs surtout), on se retrouve en face d'un des moins bons films du gars, malgré les évidentes beautés contenues dans Un Héros. Il a eu la main un peu lourde cette fois-ci : là où ses scénarios tenaient à ces presque riens qui tout à coup, par spirale, par effet papillon, débouchent sur une tragédie au bout de deux heures, il appuie un peu lourdement dès le début sur son petit postulat de départ : libéré de prison pour une permission de quelques jours, Rahim compte bien mettre à profit cette petite liberté pour tenter de convaincre son débiteur qu'il va lui rembourser la somme qu’il lui doit et qui l'a conduit derrière les barreaux. D'ailleurs, ô joie, il trouve par hasard une sacoche remplie de pièces, ce qui devrait lui permettre d'appuyer sa défense auprès de l'inflexible patron. Mais le bougre est un sensible profondément honnête : plutôt que de profiter de cette chance, il met son point d'honneur à rendre à la propriétaire son sac, se privant ainsi d'une manne financière. Comptant que son bon geste saura émouvoir ses créanciers, il va se heurter pourtant à plusieurs choses : 1/ le doute de ses concitoyens, convaincus (et peut-être à juste titre) que cet acte héroïque cache quelque chose, et 2/ la célébrité, son geste lui apportant les honneurs de la télé et l'admiration de ses pairs. De mauvaises décisions en coups du sort, d'entourloupes forcées en coups de sang, notre pauvre Rahim va peu à peu s'enfoncer dans une machinerie infernale qui va l'emmener très loin dans le malheur et le déshonneur.

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Farhadi n'aime rien tant que travailler sur ces petites vies qui dérapent subitement, et il semble avoir trouver en Amir Jadidi l'interprète parfait pour son petit personnage gentil et naïf qui va se heurter à la brutalité de ce monde. Le souci, c'est que celui-ci, dès le départ, attire notre antipathie par son jeu servile, outré dans l'obséquiosité. Trop lèche-bottes, Rahim nous déplaît dès le départ, et son aventure du sac retrouvé et rendu sonne trop faux pour que le film démarre sur de réelles bonnes bases. Quelque chose paraît fabriqué dans cette histoire, et tout va ne faire qu'aller de mal en pis : à chaque nouvel événement, on ne peut s'empêcher de voir l'auteur du scénario sauter en l'air devant sa trouvaille ; alors que ce n'est qu'une idée très artificielle, qui ne tient pas. Les rouages du scénario, laborieux, agissent finalement comme un système un peu sadique sur le personnage, que Farhadi accable jusqu'à plus soif : un système d'écriture qui fabrique du faux hasard, une histoire qui ne sonne pas authentique comme a pu l'être celle d'Une Séparation par exemple. C'est dommage parce que sans ça tout y est pour faire un grand film : le sens du cadre de Farhadi n'est plus à démontrer, et il le prouve une nouvelle fois avec, au hasard, ce plan final, d'une rigueur magnifique, qui montre à la fois l'extérieur (un couple qui se retrouve à la sortie de la prison), l'intérieur (des gardiens dans un bureau) et notre Rahm au milieu, toujours entre deux, toujours ignoré. La lumière est très belle, les acteurs souvent parfaits, la progression dramatique savamment pesée... Mais quelque chose fait obstacle ici à l'empathie : trop mélo ou trop légère, cette trame de petit héros ordinaire qui se retrouve englué dans sa propre image est trop fière d'elle-même pour que Farhadi ait l'occasion de s'essayer à quelques autres de ses aspirations : le contexte social de son film, le territoire, l'injustice des hommes... Un peu bancal.

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