Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
4 novembre 2021

Dont Look Back (1967) de D.A. Pennebaker

vlcsnap-2021-11-04-18h29m34s684

C'est un Bob Dylan au naturel (mais peut-il en être autrement ?) que nous montre ici Pennebaker qui décide de filmer l'homme lors de sa tournée en Angleterre en 1965 ; je ne cache pas, perso, tout en étant conscient de marcher par la même occasion sur les plates-bandes de l'ami Gols spécialiste en la matière (je suis plutôt spécialiste en musique progressive, voyez, plutôt rien quoi), qu'il s'agit de la période du gars que je préfère : armé seulement de sa bite et de son couteau, autrement dit de sa guitare et de son harmonica, le type enchaîne les chansons avec une voix nasillarde résolument au top, alors. S'il y a plus de paroles sensées dans une chansons de Dylan que dans dix albums de Yes, si le type mériterait (mais je sais que c'est osé) dix fois le Nobel de littérature pour son sens du rythme et de la poésie brute, c'est surtout dans son phrasé que le type m'épate (si, ça se disait à l'époque) : il est capable de faire tenir aussi bien quatre syllabes que soixante-huit dans deux phrases qui se suivent et qui ont exactement la même durée ; réussissant la prouesse de faire rimer trois fois de suite le mot "table" sans qu'on ait l'impression qu'il joue la facilité (aucune table ne se ressemble vraiment, d'ailleurs), il y a dans ce jonglage chanté de Dylan quelque chose qui tient du miracle ; se présentant sur scène plus brut de pomme que jamais, entamant sans intro The Times they are a-changing avec à la fois une morgue et un allant de génie, il faut bien reconnaître que le type a une aura, crée une tension permanente en s'appuyant simplement sur chaque mot soigneusement choisi, sur un accord de guitare qui ferait passer Brassens pour Steve Lukather, sur trois notes d'harmonica qui feraient passer Springsteen pour un harpiste.

vlcsnap-2021-11-04-18h29m55s679

Au-delà des concerts, on le voit, paisible, en train de taper à la machine pendant que Joan Baez (sa compagne d'alors, sauf erreur ?) entonne de sa voix si douce chanson sur chanson, on le voit échanger avec la nouvelle petite star locale montante, Donovan, une rencontre où l'on sent tout à la fois une certaine curiosité de la part de Dylan et une pointe d'amusement ou encore (deux scènes beaucoup plus tendues) quand on le voit échanger avec un "journaliste" amateur et un journaliste du Times. Dylan monopolise la parole et semble résister au maximum au principe de l'interview ; il n'a de cesse de renvoyer ses interlocuteurs dans les cordes, leur laissant à peine le temps de dire un mot de protestation avant de leur rebalancer un petit uppercut verbal ; le type, avec sa figure pouponne, ses lunettes noires piquées à Polnareff, sa coupe de cheveux anarchique n'est pas du genre à vouloir rentrer dans des cases ni à se laisser aller à jouer le jeu de la familiarité à tout prix ; on le sent sortir alors ses griffes tout en gardant un calme d'une froideur assez inouïe et pour le moins surprenante ; ce sont deux moments assez inattendus que capte in extenso un Pennebaker plus discret que jamais. Du Dylan vintage, sec comme un coup de bambou sur la nuque d'un panda ; et des paroles de feu dans un visage de velours. Hommage au vénérable Bob dans un écrin simplissime parfaitement adapté.

vlcsnap-2021-11-04-18h30m12s172

Commentaires
Derniers commentaires