L'Homme à abattre (Nerawareta otoko) (1956) de Kô Nakahira & Koreyoshi Kurahara

Voilà un petit polar comme on les aime, puisque Kô nous met ko en un peu plus d'une heure, traçant une ligne droite entre le meurtre et la découverte du coupable. Le fameux quartier de Ginza au Japon : une jeune fille découvre sa mère étranglée dans son salon de beauté ; un cri en pleine journée, les voisins accourent, le diable est parmi nous... Un inspecteur mutique, comme on les aime, envahit les lieux et très vite un coupable est désigné : un type, en prison pour meurtre, est sorti il y a tout juste un mois ; les voisins ont tôt fait de désigner leur champion et de se réunir pour faire courir les plus viles rumeurs sur son compte. On est bien dans du noir pur et dur : des scènes de nuit éclairée aux lampadaires, un héros qui a fait la guerre (et qui s'est fait plaquer par sa fiancée infidèle à son retour, classique), qui a déconné dans la foulée (un combat entre gang qui dégénère, un coup de brique sur le crâne d'un assaillant qui sonne le glas), qui est dorénavant au chômage, qui est certes aimé par une jeune fille bien mignonne, une femme fatalement amoureuse du type fébrile mais qui maintenant semble aller droit dans le mur ; l'inspecteur le guette, les boulots lui échappent, la barbe lui pousse, des types glauques essaient de le coincer dans la rue, des quidams livrent des preuves censées le confondre... Va-t-il sombrer dans l'eau trouble de la rivière (comme le borgne que l'on vient de repêcher) ou va-t-il devoir lui-même se faire justice et trouver le coupable ? La chute sera en tout cas violente...

L'image est belle, les seconds rôles sont foisonnants (tout le quartier participe à l'enquête dirait-on), la petite musique jazzy qui va bien fait swinguer les scènes les plus tendues, quelques jeunes filles à la moue boudeuse apportent un brin d'éclat, tout comme les reflets dans les lames de couteaux... On oscille entre petits instants d'espoir partagés (sa sœur et sa copine qui le soutiennent contre tous) et chape de plombs qui écrase de plus en plus notre héros : il y a les mots qu’échangent les commerçants, puis le coup sur la tête qui lui éclate l'arcade sourcilière... l'étau se resserre. Alors oui, c'est vrai que l'on a tôt fait d’innocenter notre homme et de soupçonner l'un de ses "proches" mais cela n'enlève rien au suspense final de cette oeuvre : fight, coup de feu dans la nuit, des flics sur la brèche et un duel sur toit qui risque de tourner mal... pour tous. Noir de chez noir ? A  voir, un bon expresso nippon quoiqu'il en soit, serré et concentré.