Gimme Shelter (1970) de Albert & David Maysles & Charlotte Zwerin

Hommage un brin tardif au regretté Charlie Watts (un toucher et un sourire exquis) et retour cinquante ans plus tard sur ce concert gratuit mythique des Rollings Stones donné au San Francisco's Altamont Speedway devant 300 000 personnes. Avant de revenir au concert, on suit les Rolling Stones lors de l'un de leurs concerts de la tournée ricaine, les chansons étant généralement entremêlées des discussions autour de l'organisation de ce dernier concert événement. On ne peut être que happé, bien qu'on le connaisse par cœur, par cette bouche démesurée de Mick Jagger dans lequel on pourrait garer deux fourgons de flic et surtout par ce déhanché endiablé, ce corps de liane qui se trémousse sur scène à chaque accord. Jagger est électrique et électrise tous ces tubes légendaires que sont Jumpin' Jack Flash, Satisfaction, Wild Horses ou encore Brown Sugar. La caméra colle à ce corps de Jagger même si on peut entrapercevoir au passage un Watts à la coule et un Keith Richards au taquet. On savoure ces titres qui semblent dater d'hier et on oublierait presque que Jagger a l'âge de notre père. Documentaire musical qui se passe pour l'heure pour le mieux mais avec, dirons-nous, rien d'exceptionnel au niveau de la mise en scène ou du son - c'est la fin des sixties : on est encore dans le brut, dans l'artisanal.

On va changer de braquet avec les images de ce concert démesuré, sa préparation et son déroulement chaotique (quatre naissances et quatre morts équilibrèrent la chose...). On avait déjà eu droit, dans une sorte de transition, à des images de Tina Turner (alors encore avec Ike sur scène) reprenant le fameux I've Been Loving You Too Long d'Otis Redding. Feu de dieu, la Tina, à l'époque, elle envoyait du bois et j'ai rarement vu un micro de façon aussi érectile... Elle te le caresse des bouts des doigts, susurre des mots pour le faire rougir et on s'attend à ce que, d'une minute à l'autre, celui-ci explose de plaisir entre ses doigts. Bougre, la Tina, elle savait se faire diablement suave... Cette montée en tension nous prépare parfaitement au déroulement de ce concert où l'organisation est aussi borgne que celle des concerts sur la place publique de Fomboni (2012-2015), Mohéli... Les types qui encadrent la chose se targuent d'avoir été présents à Woodstock et personnellement j'en aurais pas fait une référence en terme de civisme en plein air (une autre époque, oui). Disons-le franchement, les organisateurs, qui avaient pourtant pressenti des records d'affluence, sont archi-dépassés et le fait d'avoir demandé, apparemment, aux Hell's Angels (vous savez ces mignons et pacifiques barbus qui ont toujours une batte dans une poche et un cran d'arrêt dans l'autre) d'assurer la sécurité n'était pas top... Très vite, on se rend compte que les types embiérés et whiskysés jusqu'à la garde, au moindre débordement, tapent un peu dans le tas et qu'ils ne dégagent pas autour d'eux une aura de sérénité... Le chanteur des Jefferson Airplane en fera les frais (oui, l'ange ne fut pas gardien sur cette action) et lors du concert des Stones cela va atteindre des summums... Les frères Maysles, sous les yeux ébahis d'un Jagger qui revoit les rushs, parviennent à filmer un black avec un gun à quelques centimètres de la scène, un type vite repéré par un Angel qui va lui planter plusieurs coups de couteau fatals dans le dos... Pas jojo - Mick en reste pantois... Faut dire que pendant le concert, il en aura vu des vertes et des pas mûres entre ce type à deux centimètres de lui sur scène qui semble soudainement se transformer en loup-garou ou ce chien-loup (décidément) qui lors d'une chanson traverse la scène... Non, ce ne serait plus possible aujourd'hui, et c'est sans doute pas plus mal... Bref, on passe un assez bon moment musical et totalement déglingos avec ce concert qui aurait pu franchement bien plus dégénérer (heureusement que la drogue de l'époque était de la bonne came, rendant la foule plus béate que réellement vindicative). Gimme Shelter ? Pas mieux au niveau du titre... Toute une époque rock and hell, quoi.