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REALISATEURS
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17 septembre 2021

LIVRE : Rien à déclarer (Sorry for your trouble) de Richard Ford - 2021

arton66192-451cdJe dois admettre avoir une grande faiblesse pour Richard Ford depuis ses tout premiers romans. Alors oui, certes, on doit se contenter ici de nouvelles, une dizaine, un format dont je ne suis pas vraiment fan. Seulement voilà, Ford, en trois lignes et deux adjectifs, est un écrivain capable de vous planter un décor, de vous décrire une poignée de personnages et de vous faire croire en deux paragraphes à la dimension toute réaliste, au bien-fondé de son histoire. Du coup on plonge illico et l'on gère la frustration des nouvelles trop courtes en se replongeant, l'esprit encore tout humide, dans la suivante... Pas facile (c'est la gageure) de donner une tonalité générale à ces dix récits ; disons tout de même pour faire croire à un certain esprit de synthèse, qu'il est beaucoup question ici de personnes divorcées, de morts subites, de veuvage, de redémarrage ou tout du moins de tentative de nouveau départ. Souvent, Ford, une fois qu'il a passé au peigne fin le passé de ses personnages principaux, finit par nous livrer au deux-tiers de la nouvelle un épisode central, une scène qui cristallise toute la tension de ses protagonistes... Dit comme cela, cela demeure un résumé un peu grossier tant toutes ces nouvelles font preuve d'une fluidité aussi bien de la langue (Josée Kamoun, une merveille de traductrice) que dans la structure narrative, Ford trouvant en plus toujours au passage la petite annotation psychologique qui donnera tout son relief, toute sa saveur à ses histoires...

Alors oui, disons-le franco, je me suis autant "retrouvé" dans ce premier récit - Rien à déclarer - (au cours d'une soirée, un homme croise une ex d'il y a vingt ans, ils se promènent, papotent, s'...), que dans la nouvelle centrale d'une cinquantaine de pages - Savoir se tenir - (un veuf retourne en vacances non loin de l'endroit où il venait chaque année avec sa femme) que dans l'ultime histoire du recueil - Langue seconde - (deux divorcés font un bout de chemin ensemble puis la femme, trop indépendante, décide de suivre sa voie tout en gardant des relations amicales avec le type) : Ford a le don pour nous mettre en situation d'empathie avec ses protagonistes, hommes ou femmes ; on ressent immédiatement tout le poids du passé chez chaque personnage, leur envie de tourner une page, de vouloir essayer de recommencer ; parfois ils y parviennent ou moins... Si les divorcés (La traversée), les histoires d'adultère (Jour de liberté), la mort d'un proche (Happy) ou d'un père (En transit) sont des sujets qui lancent les récits, autour desquels ils s'organisent, il est aussi beaucoup question à travers eux d'amitié (celle qui se noue entre les deux jeunes gens dans En transit ou Kenosha), de complicité retrouvée et d'indépendance (Rien à déclarer, Langue seconde) et bien sûr d'amour... Des amours souvent perdues (brutalement ou à l'amiable), parfois aigres, mais qui semblent avoir toujours laissé une empreinte indélébile. Dans ce récit central (le plus long et sans doute le plus attachant), on suit les pérégrinations d'un veuf encore tout imbibé de son histoire d'amour passé mais encore capable de se lancer d'autres défis, de connaître d'autres aventures plus ou moins périlleuses... Il y a souvent des déceptions qui ont marqué de leur sceau les différentes vies des personnages principaux de ces nouvelles mais il y a comme une espèce de foi qui pousse la plupart de ces individus à vouloir remettre leur vie sur le tapis - ces espoirs sont parfois microscopiques, tournent parfois en eau de boudin but life goes on avec toujours cette petite étincelle qui... Des petits récits qui n'ont rien d'extraordinaire, ni de futilement banals d'ailleurs, mais dans lesquels on finit toujours par retrouver un pan ou deux de notre propre passé, par identifier une remarque psychologique ou deux éminemment pertinentes. Des nouvelles de Ford et de bien bonnes !

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