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17 août 2021

La Pirate de Jacques Doillon - 1984

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Ô douleur. Il est vrai que Doillon parvient parfois à toucher juste dans ses films, à atteindre une forme de génie dans sa minutieuse scrutation des sursauts du cœur. Mais d'autres fois, diable, il peut être ridicule, prétentieux et chiant comme pas deux. La Pirate recense à peu près tout ce qui nous horripile aujourd'hui quand on regarde un film français des années 80 : poses des comédiennes, réduites d'ailleurs à une plastique, mise en scène à effets, lumière qui rend tout sous-éclairé, son inaudible, et croyance forte que l'émotion ultime, le sine qua non de l'amour, le jalon immanquable de toute bonne passion qui se respecte, c'est le cri hystérique et la grosse mandale dans la figure pourtant immaculée des actrices. S'il peut y avoir Léotard en plus, c'est un bonus. Bien, donc voilà le problème : Jane (Birkin) est amoureuse de Andrew (joué par son frère, ça se complique déjà) ; mais son ancienne amoureuse, Maruschka (Detmers), vient la tirer des griffes de cet époux violent et possessif, et renouer leur passion saphique passée. Celle-ci est accompagnée par une ado mystérieuse, Laure (Marsac), qui noue une passion secrète elle aussi avec Jane. Le tout sous le regard alcoolisé et elfique de Philippe (Léotard) qui traverse la chose en commentant façon spectateur les atermoiements de cette bande. Tout ça n'ira pas sans force cris d'oie égorgée et maintes baffes assénés avec une belle santé, sans moult phrases de dialogues gonflées de satisfaction et sans envolées lyriques des violons de Philippe Sarde qui envoie de l'émotion comme un Clayderman sous ecsta.

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Il semblerait qu'à l'époque le public se soit offusqué des scènes de sexe et de baisers entre les deux (magnifiques) femmes. Aujourd'hui qu'elles paraissent bien prudes, c'est tout le reste qui énerve : les postures de starlette de Birkin, qui cherche la jolie lumière sur son bon profil et minaude à qui mieux mieux, le personnage irritant du mari jaloux qui ne réagit qu'en paroxysmes (soit neurasthénique comme un joueur de basse vieillissant, soit hystérique comme une puce), l'utilisation putassière de la plastique de Detmers (certes pas la meilleure comédienne qui soit) qui joue comme une patate parce qu'on ne lui demande que de poser ses jolis seins face caméra, la roue libre de Léotard dont on ne saurait dire s'il est ridicule à cause de sa panoplie de clochard céleste du dimanche ou à cause de ses efforts pour être original dans sa diction (on ne comprend pas un quart de ce qu'il dit). On se doute bien que le couple Birkin-Doillon avait un peu de mal à faire avec le passé de la dame à l'époque, et que La Pirate est une illustration de ce conflit. Mais était-il bien nécessaire d'utiliser les voies cinématographiques pour nous donner à entendre ces tourments narcissiques ? Un courrier n'aurait-il pas suffi ? Là, c'est un pénible exercice d'auto-apitoiement braillard et légèrement égrillard (tant qu'à trouver du financement pour geindre sur grand écran, autant en profiter aussi pour montrer les appâts de ces dames), qui fait penser, ô horreur, à du Zulawski : même incapacité à créer du trouble autour de son vaudeville en carton, et même propension à la compenser par des hurlements, des comportements épileptiques et une fantaisie de bazar (les deux personnages "magiques" de Marsac et de Léotard) et une hystérisation des sentiments qui ne fait que raconter l'inverse de ce que ça devrait : l'amour c'est pas simple, oui, on est bien d'accord. Doillon veut absolument qu'on sache que chez lui, c'est encore plus compliqué, plus fiévreux, plus violent que chez nous. Le résultat est consternant de nombrilisme et de crânerie.

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