Deux Sous de violettes de Jean Anouilh - 1951
Eh oui, Anouilh n'a pas écrit que des conneries, il en a filmées aussi. C'est la curiosité qui m'a poussé vers Deux Sous de violettes, histoire de vérifier si le bon Anouilh ne serait pas par hasard passé à côté de sa carrière de réalisateur en se perdant dans celle d'auteur dramatique (saurez-vous deviner le niveau d'estime que je porte au gars ?). Eh bien, non, pas du tout. Voici le film le plus fade de la chrétienté, un machin ni fait ni à faire d'un vide total, dont on ne tirera franchement aucun plaisir, même si on est amoureux des formules de l'auteur ou si on aime le petit côté désuet de ces histoires à l'ancienne. On se demande bien ce qui a poussé Anouilh à filmer ce scénario sans sève, lui qui, on ne peut pas lui reprocher, sait trousser des intrigues. C'est l'histoire édifiante d'une jeune fille à qui rien ne sourit : délaissée par sa mère, harcelée par son patron, elle se réfugie chez sa famille de province, en l’occurrence un couple de petits bourgeois méchants et scrofuleux. Elle y rencontre un gars qui, ni une ni deux, la met enceinte puis, ni trois non plus, l'abandonne aussi sec. Un sorte de Cosette moderne, disons, qui va de déconvenues en humiliations au milieu de ce monde sans pitié, pour un mélodrame très épais et très appuyé. C'est la ch'tite Dany Robin qui joue la chose de ses grands yeux mouillants, elle est bien mignonne dans ses petites poses d'enfant apeurée mais on croit comme en la fin de la crise à ses malheurs : elle est nulle, et les situations dépassées qu'elle a à subir (repousser les assauts des vieux libidineux, en gros) sont presque drôles tant elles sont peu dangereuses. Face à elle, on a la pléthore de comédiens habituels de ces années-là, qui jouent la même chose que ce qu'ils ont fait dans leurs 30 films précédents. : la mère égoïste, la bourgeoise hautaine, le petit marlou à clope (Yves Robert, tiens), la pute amoureuse, le frangin misérable (Michel Bouquet, 20 ans, et moi qui pensais qu'il avait toujours été vieux), amoureux incompétent... et on a même la petite chanson réaliste finale pour ancrer le film dans une tradition française du cinéma de qualité (qui commençait toutefois à vieillir en 1951). Si on avait très vite renoncé à trouver là-dedans une quelconque trace de mise en scène, on pouvait s'attendre à un scénario brillant et clinquant, à des dialogues pétillants, au moins à des situations originales ; or, c'est un festival de motifs déjà vus mille fois, littéralement usés jusqu'à la corde, et pas une scène ne vient nous réveiller en nous révélant pourquoi Anouilh a tenu à ce que ce film existe et nous soit présenté. Bon, allez, c'est nul, quoi.