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16 juillet 2021

Central Park de Frederick Wiseman - 1989

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Après l'éprouvant Near Death, Wiseman prend ses quartiers d'été et enchaîne, c'est bien normal, avec un film léger. Léger mais passionnant : nous voici "enfermés" à ciel ouvert dans Central Park, immense jardin new-yorkais. Notre gars y filme avec un semblant de hasard les usagers, coureurs, siesteurs, lecteurs de journaux, drogués, adeptes du taï-chi, association d'amoureux des dinosaures (...), amoureux des bancs publics, dragueurs indolents, balayeurs, ouvriers, éboueurs, enfin les mille gusses qu'on peut trouver dans les allées des jardins partout dans le monde. Wiseman oblige, il va aussi plus loin que cette surface, et va filmer les concerts (une chanson de Midnight Oil enregistrée dans son intégralité, un morceau dégueulasse d'une espèce de guitariste en pleine imitation de Hendrix), les cérémonies religieuses (un mariage, une veillée-hommage), les manifestations sportives (le marathon), les stages de théâtre ou les diatribes dévotes, les réunions pour la paix ou les visites scolaires ; mais surtout, on voit dans ce film l'envers du décor, les employés du parc confrontés aux mille problèmes d'organisation ou de police, à la recherche de fric, à la rénovation des bâtiments. Au-delà de l'aspect primesautier de l'entreprise, on voit donc se dessiner un projet plus ambitieux que la simple ballade estivale : faire du parc une image de New-York dans son entier, et voir à travers l'exemple de sa gestion et de son quotidien en quoi la démocratie (sujet éternel de Wiseman depuis 30 ans) est en œuvre ici aussi bien que dans la ville, dans le pays, dans le monde. Car la gestion du parc ne se fait pas sans difficulté : il faut interdire les VTT qui bousillent les pelouses, négocier avec le marchand qui vend ses peluches sans autorisation, assister à de longues réunions répétitives d'usagers qui s'opposent à la rénovation des vestiaires de tennis. Faire de Central Park un lieu où se côtoie tout le monde, toutes les classes sociales, toutes les couleurs de peau, tous les âges, ne se fait qu'au prix d'un combat permanent.

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La grande qualité du film est de nous montrer à la fois le résultat de ce travail (la quiétude d'un jardin public gai et ensoleillé) et les tractations qu'il a fallu mettre en place pour en arriver là (la drague des mécènes, les engueulades, les longs débats), faisant en quelque sorte un bilan du "vivre ensemble" en 1989 aux États-Unis, à travers l'exemple d'un parc. En tout cas, Wiseman a rarement été aussi apaisé qu'avec ce film qui prend le temps de se (re)poser pour regarder vivre ses contemporains, gentiment ridicules parfois, attachants toujours. On rigole devant ces gosses qui crient et polluent le mariage cul serré célébré à côté, à cet employé rappelant pour la quinzième fois dans un débat que si on n'a rien de nouveau à dire, inutile de demander la parole, à ce prof de théâtre qui n'a l'air d'écouter que lui, et même, hasard du tournage, à cette fatigue de Francis Coppola devant diriger une flopée de figurants indisciplinés. Une tranche de vie attachante entre deux films sombres, ça fait du bien aussi.

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