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14 juillet 2021

Abouna de Mahamat Saleh Haroun - 2003

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Bien longtemps que je n'avais pas jeté un œil sur le cinéma de Haroun, bien qu'ayant adoré son Homme qui crie en 2010. C'est donc avec bienveillance que j'ai envoyé ce film des débuts, qui raconte les déambulations de deux frères complètement désorientés par le départ inattendu de leur père : l'homme s'est proprement évanoui du jour au lendemain, les laissant seuls avec une mère qui pète les plombs, avec leurs questionnements et avec leurs fantasmes. En rupture avec ce qui a fait jusqu'ici leur vie, les deux gosses pérégrinent dans la ville à la recherche de papa, et notamment au cinéma où il leur semble reconnaître celui-ci comme acteur à l'écran ! Leur indiscipline (et le vol de la bobine de film dans laquelle figurerait leur paternel) leur vaudra l'exil dans une école coranique rigoriste, et un abandon de leur enfance dorée : bienvenue dans l'âge adulte... si on parvient à l'atteindre.

Abouna

Dans un premier temps, le film prend des aspects de comédie sensible avec ce portrait de deux mômes complètement perdus dès que la figure paternelle (qui arbitrait d'ailleurs leurs matches de foot) disparaît. Leurs promenades en ville, leurs petits coups, sont mignons et attachants, mais ce qu'on voit à l'écran c'est surtout deux enfants abandonnés, et le sourire se teinte d'une douce mélancolie qui apporte beaucoup au charme du film. C'est certes très classique dans le déroulement et dans le scénario, mais l'extrême pudeur avec laquelle Haroun filme tout ça, son sens de l'ellipse (le gars se retire dès que le sentimentalisme pointe son nez), la rigueur de ses cadres, cassent cet aspect lisse et mignon de l'histoire : on est face à un vrai cinéaste, qui ne se contente pas de raconter son histoire de façon fonctionnelle, mais qui réfléchit à la puissance de ses plans, qui est attentif à sa grammaire. Peu à peu, Abouna devient de plus en plus sombre, la folie et la mort font leur apparition, et le film d'enfance devient carrément abrupt et amer. Le film change de point de vue : de celui du gentil cadet on glisse subtilement à celui de l'aîné, plus discret jusqu'alors, et le résultat est plus rude. Les scènes de la mère tombée en léthargie, celles des rituels de l'école coranique (le film évite tout écueil politique ou moral là-dessus, mais en parle tout de même sans ambages), celle de la mort brutale d'un des mômes, tout ça induit la thématique forte du film : un passage à l'âge adulte qui se fait seul, sans l'aide des parents, dans la douleur. Voilà donc un film gai et triste, rigolo et douloureux, filmé avec finesse et écrit avec empathie : une bien belle petite chose.

attente_du_pere_abouna

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