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4 juillet 2021

Rivière de Nuit (Yoru no kawa) (1956) de Kôzaburô Yoshimura

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Certains vont sûrement finir par croire que j'aime bien le cinéma japonais. Ils ne seront pas loin de la vérité. Rivière de Nuit permet à la fois de découvrir l'orfèvre Yoshimura dans ses œuvres et de tomber amoureux de Fujiko Yamamoto (qui n'est garé pas loin) ce qui n'est pas rien. Une histoire d'amour, mes petits enfants, comme on en fait plus, voilà, de celles qui sont tellement évidentes qu'elles ne peuvent finir par avoir lieu... Vous allez croire qu'en trois phrases, je vous ai niqué l'affaire, il n'en est rien, tant l'on sent dès le départ, avec cette musique qui joue des dissonances, que tout ne se passera pas comme prévu. Au centre du récit, une jeune femme, donc, teinturière de son état, et surtout dessinatrice de talent, qui se retrouve ma foi célibataire à trente ans. Des prétendants, pourtant, il n'en manquera pas en cent-cinq minutes de temps. Il y a en premier lieu ce jeune homme timide, peintre, prêt à fantasmer de façon picassonnesque sur sa muse : il est gentil, un peu trop. Il y a en second lieu ce business man, marié, un gros lourd qui veut l'introduire dans son réseau. Problème : pas seulement dans son réseau. Il est laid, il est vieux, ses blagues sont grasses et quand il a bu il a tendance à montrer le même sens de la mesure que votre serviteur : il est nul, un peu trop. Enfin, il y a bien évidemment Ken Uehara : il est chercheur à l'université, il est marié, aussi, décidément, mais Fujiko a dès le premier regard le coup de foudre pour lui (faut dire qu'il porte la cravate qu'elle a elle-même dessinée, sa favorite, cela marque des points). Notre ami Ken est quant à lui loin d'être insensible à ses charmes... Sa femme est malade depuis deux ans (je sais, c'est facile comme excuse...) et il se dit qu'il a le droit aussi d'avoir une vie - avec possibilité de "petit plus si affinités" si elle meurt (oh ne faites pas vos vierges effarouchées, merci). Fujiko, elle, aime cette homme mais se sent-elle capable de prendre un jour la place d'une autre, ceci est sans doute une autre histoire (ou disons le nœud-même de celle-ci).

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On ira pas par quatre chemins, c'est tout simplement beau (la photo du grand Kazuo Miyagawa est à pleurer de joie), c'est tout simplement tendre, c'est tout simplement d'une tristesse infinie... Fujiko vit dans les couleurs (superbe travail sur les tissus comme sur les tons des textiles qui servent de toile de fond, littéralement, au récit) et ce Ken est celui qui pourrait éventuellement en mettre dans son cœur. Au resto, il y a de son côté, au Ken, des fleurs jaunes, il boit forcément de la bière, et il y a de son côté, à Fujiko des fleurs violettes et elle boit... un liquide forcément violet ; on sent que ce mariage de couleur va de soi et que nos deux flirteurs sont faits l'un pour l'autre. L'habillage esthétique demeure tout aussi superbe lors de ce premier baiser échangé dans une salle simplement éclairée par les lumière rouges de la ville (rarement vu une telle originalité au niveau du jeu des lumières dans un film coloré nippon de cette époque) ; quant à cette scène en bord de mer où nos deux amis ont tous le gris de la mélancolie à leur pied, elle fait tout autant frémir. On sent que cet amour est à la fois fatal tout en étant fatalement impossible. Si Fujiko a le teint qui rayonne, déchire la pellicule par sa beauté brute (et ce nez, ce nez...), Ken Uehara me fait ici penser bizarrement à une sorte de Jean-Pierre Léaud post truffaldien : amoureux transi de la belle, on sent que son regard est éteint comme si sa joie se devait d'être éternellement inquiète Quand bien même tout se goupillera pour rendre possible leur union, il y aura forcément un petit grain de sable qui fera que l'un ou l'autre n'osera faire le petit pas ultime... parce que, parce que, parce que quoi, on ne peut pas profiter avec autant de facilité du destin, voilà bordel, qu'ajouter ? Une rivière nocturne, qui coule mais qui disparaît fatalement, magiquement, tragiquement. Une histoire d'amour qui se fond en quelque sorte dans un trou noir - reste heureusement en mémoire tout l'éclat de notre héroïne qui sut, le temps d'une nuit ou d'une promenade, trouver le temps de rayonner. Tact, beauté et chienne de vie. Une œuvre fabuleusement en équilibre.

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