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19 juin 2021

Peppermint frappé de Carlos Saura - 1967

julian_and_elena

Troublant jeu de dupes que ce Peppermint frappé, qui jongle avec les motifs buñueliens et hitchcockiens. Saura n'est pas un génie, on est d'accord, trop de scories dans sa filmographie, mais il a quelques sommets ; ce film en fait partie, qui vous plonge dans une sombre partie de perversion et de fantasmes torves, autour d'un complexe trio, ou d'un quatuor, ou d'un quintet, suivant ce que vous voulez faire dire à cette histoire tordue. Julian, chirurgien, retrouve un vieil ami d'enfance qui a épousé Elena (Geraldine Chaplin), belle jeune femme émancipée et étrange. Il croit reconnaître en elle une femme qu'il a croisée jadis dans une fête (Geraldine Chaplin également) et de laquelle il est tombé raide dingue, mais Elena nie les faits. Ça se complique quand on se rend compte que l'assistante de Julian, Ana (Geraldine Chaplin...) ressemble également comme deux gouttes d'eau aux deux premières, et que Julian n'a dès lors plus qu'une obsession : remodeler Ana à l'image de Elena, et donc de cette mystérieuse passante croisée jadis. Une sorte de Vertigo en plus complexe encore, vous l'aurez compris, qui va aussi travailler sur une sexualité refoulée et tordue à la Cet obscur objet du désir, et qui va se terminer forcément dans le drame, l'onirisme et la folie. On se rend vite compte que l'objet du désir de Julian est infiniment le même, qu'il est tombé autrefois amoureux d'une femme et qu'il la retrouve maintenant dans chaque femme qu'il croise, et cette obsession est joliment mise en scène par un Saura qui n'aime rien tant que les déviances, les amours impossibles et les mystères de la psyché humaine.

Pepper9

C'est dans une ambiance surannée très 60's que Saura situe son film, utilisant tous les motifs de l'époque pour rendre son film pop, notamment ceux véhiculant le sexisme ordinaire : pubs, photos de mode, clips, voire bout de films... tout est saturé de cette guerre des sexes toujours très en place en Espagne. La beauté est une histoire de fabrication d'icônes, une création de l'imagerie d'une époque, souvent soumise d'ailleurs à des règles patriarcales sclérosantes. Dans un tel contexte, la déviance érotomane de Julian peut se développer pleinement : c'est l'histoire d'un homme qui veut façonner les femmes, leur donner une forme qui correspond à la forme de son désir, de son fantasme sexuel. Le film se teinte aussi d'atmosphères fantastiques (on est parfois à deux doigts du giallo) pour rendre encore plus venimeuse cette histoire. Mais qui est la victime, qui le bourreau dans ce scénario retors qui voit peu à peu la femme, bien consciente de son aura sexuelle, retourner la situation à son compte, asservir l'homme qui voulait la dominer. Geraldine Chaplin, à ce petit jeu, se montre idéale : juvénile et candide a priori physiquement, elle va peu à peu faire montre d'une belle perversion dans son rapport avec les deux hommes qu'elle fascine ; et finalement, à travers ce portrait d'une femme ni tout à fait la même ni tout à fat une autre, c'est le portrait en creux de Julian qu'on voit, de ce bourgeois engoncé dans son image ringarde des femmes, incapable de s'extraire du cercle vicieux dans lequel in s'enferme, allant jusqu'à tuer l'objet de sa convoitise plutôt que de le laisser lui échapper... en vain, l'idéal féminin ayant ceci de particulier qu'il est éternel. En tout cas, malgré ses défauts (dans le montage, dans certaines scènes un peu inutiles, dans la mise en scène parfois inconsistante), Peppermint frappé est un petit trésor qui sent le soufre, féministe avant l'heure, et un brin provocateur comme on aime.

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