The Times of Harvey Milk (1984) de Rob Epstein

L'histoire, version documentaire, de cet attachant et engagé Harvey Milk qui a forcément mal tourné... Dès l'ouverture où l'on apprend devant un parterre effaré de journalistes et de quidam que le maire et l'un de ses conseillers, Milk, représentant élu de l'un des quartiers de la ville, viennent d'être assassinés par... un autre conseiller, notre sang ne fait qu'un tour : comment a-t-on pu en arriver là, comment a-t-on pu arriver à une telle tension, qu'est-ce qui a pu causer la mort de ces deux hommes populaires et bienveillants ? On remonte donc le fil en interviewant des proches de Milk, des gens qui ont participé à ses campagnes ou qui ont été amené à le fréquenter dans son magasin (il vendait des appareils-photo) ou à la mairie. Milk, personne sûrement un peu bordelique, dont le QG de campagne avait des airs d'auberge espagnole, apparaît comme un type, gay, gai, parti de rien, s'engageant à fond pour défendre les droits de sa communauté, la représenter, sans jamais pour autant oublier les autres minorités qu'elles soient ethniques ou générationnelles (les vieux, surtout). Un parcours semé d'embuches, on s'en doute, à une époque, la fin des seventies, où la communauté homosexuelle était loin d'être forcément bien considérée, même à San Francisco. Milk s'est battu, a souvent échoué, mais a fini par triompher en se faisant élire à la mairie et en s'opposant surtout à une loi locale anti-gay qui déchaina les passions à l'époque. Cherchant toujours à faire accepter cette communauté pour qu'un jour plus aucun homo n'ait peur de sortir de son "placard", l'engagement de Milk fut à ce niveau-là exemplaire ; le tout dans la décontraction, la bonhommie de ce sourire si doux, et un optimisme à toute épreuve.

Un optimisme payant jusqu'au jour de ce drame où un type des quartiers huppés, incapable de ravaler sa frustration (professionnelle, familiale, personnelle, financière...), décida d'assassiner le maire et Milk. Le procès qui s'en suivit six mois plus tard s'acheva par un second coup de théâtre... Autant dire que le combat contre "les institutions ricaines et les personnes qui les représentent" n'en était alors qu'à ses prémices. On apprend à apprécier ce personnage qui, malgré ses façons de faire pour le moins originales (ce fameux magasin qui concentrait toutes les actions qu'il entreprenait), son manque d'organisation ou ses petites colères, avait su faire autour de lui l'unanimité : un type droit dans ses bottes, activiste 24h sur 24, jamais battu, toujours partant pour que les gays puissent vivre librement dans ce pays pour le moins conservateur. Le petit combat d'un homme qui défonça plusieurs portes et autres préjugés mais qui finit tragiquement, lors d'un acte de violence : un assassinat, malheureusement presque coutumier, aux states - qui provoqua d'ailleurs d'autres actes de violence par la suite, des émeutes, à cause d'un verdict pour le moins inattendu. Epstein recolle les morceaux de cette vie à l'aide d'interviews, d'enregistrement de discours, d'images d'archives et il n'a pas besoin de dramatiser à l'excès la chose pour que l'on soit à son tour touché par l'implication toujours décontractée de ce type éternellement frais qui n'avait de cesse de se balader, tract à la main, dans les rues de son quartier. La crème de la crème que ce Milk et un doc qui a su garder toute la vitalité de son engagement - beaucoup plus prenant que le film dont je ne garde qu'un vague souvenir...