Une Danseuse (Odoriko) (1957) de Hiroshi Shimizu

On garde le cap de la filmo de notre ami Shimizu à quelques jours du début de sa rétrospective à la Cinémathèque française (odoricooo - pardon). Une Danseuse fait partie de la fin de sa filmographie et se trouve être une comédie douce-amère (et en levant la jambe) sur le couple. Au départ, ils sont deux forcément, deux artistes, elle danseuse (la grande gigue Chikage Awashima as Hanae), lui violoniste (le pensif Haruo Tanaka as Tamura). Ils ne parviennent pas à avoir d'enfant mais vivent paisiblement entre deux petits restos ou deux répétitions. Et puis débarque forcément l'élément perturbateur, la soeur d'Hanae, Chiyomi (Machiko Kyô et son visage poupon) : elle arrive de sa cambrousse mais la bougresse n'a pas froid aux yeux... Elle ne tarde pas à taper dans l'œil du chorégraphe de sa soeur, puis à séduire en pleine nuit (alors même qu'il dort à côté de sa compagne) Tamura... Chiyomi ne se contente pas de faire tourner les têtes, elle aime aussi à détourner ce qu'elle trouve : l'argent qui traîne, une bague en platine... Les deux hommes sous son charme voient bien malgré tout qu'ils ont mis le doigt dans un truc qu'ils risquent d'avoir du mal à contrôler. Et d'ailleurs pim, ça ne manque pas, Chiyomi tombe enceinte... Qui est le père, qui est prêt à éléver l'enfant ? Notre petit couple de départ va traverser une période agitée mais tentera de s'en relever avec les honneurs - ce qu'on peut appeler communément un mal pour bien...

On commence le film doucettement en mâtant de la gambette en brochette, mais le film prend vraiment son rythme avec l'arrivée de l'ingénue Chiyomi... Oui, elle est fraîche, oui elle a tout à apprendre mais elle va vite rattraper son retard. Faire les yeux doux au chorégraphe, c'était attendu, mais venir titiller le sage Tamura à deux centimètres de sa femme, il fallait oser ; le film se charge d'une certaine puissance érotique avec ce détournement adultérin nocturne littéralement sous les yeux (fermés) de la femme trompée. On sent bien que ce petit jeu-là ne pourra durer bien longtemps : Chiyomi est trop délurée et Tamura trop rapidement submergé par la mauvaise conscience... Chiyomi se révèle vite une petite peste en faisant pression sur les deux hommes, potentiels géniteurs, et en dérobant donc tout ce qu'elle trouve - ça sent le soufre. Insouciante et irresponsable, elle décidera d'entamer une carrière de geisha et de laisser sa gamine à sa soeur... Si les caractères de chacun sont un peu monolithiques (Chiyomi et sa cuisse légère, Hanae et sa sagesse tranquille, Tamura et son humeur morne), l'évolution du couple de départ est assez intéressante en soi : après avoir traversé la tempête Chiyomi (Hanae soupçonne vite son mari d'adultère), le couple tente de se reconstruire en adoptant ce bébé. Si Chiyomi continue de brûler la chandelle par les deux bouts, notre petit couple tente de tenir un cap serein, sans excès, sans folie (il décide même de quitter la ville pour s'en retourner à la campagne), avec cet amour au quotidien (toujours la foi des restos) et le soin donné à ce nouvel être... Chiyomi risquait de détruire atomiquement leur lien, elle a finalement réussi à les ressouder autour d'un tiers. On apprécie au passage la musique douce et triste qui ponctue le film, ces légers mouvements de caméra qui viennent gracieusement filmer les personnages principaux et ce petit côté piquant et acide apporté par Chiyomi, allumeuse et provocatrice, qui agit souvent aveuglément sans réfléchir aux conséquences. Une danseuse bien balancée qui, à force de jouer sur un fil, risque un jour de tomber du mauvais côté... Un trio joliment filmé par un Shimizu en totale maîtrise.

La rétro shimizu